16. La comparaison

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- Ça va pas, a dit l'amie de Léontine dans un souffle. Ce crétin d'Émeric a encore débarqué à l'improviste. Comme tu n'étais pas là, j'ai pas su quoi faire...

- Merde, a lâché Léontine.

- Attendez, le Émeric ? s'est étonnée Agathe. Ne me dites pas que c'est votre pote...

Nous avons tous les trois hoché la tête.

- Non, c'est pas notre pote. Il me gonfle. Je ne comprends pas comment il arrive à s'incruster à toutes les fêtes.

Léontine, dont la colère devenait presque visible, s'est ressaisie et s'est dirigée d'un pas décidé vers la baie vitrée qui donnait sur la terrasse.

- Il est où ? a-t-elle demandé à son amie.

- Dans la piscine.

Les deux autres jeunes filles l'ont suivie mais Agathe s'est arrêtée quand elle a vu que je n'avais pas bougé.

- Allez Ani, on va lui faire mordre la poussière une bonne fois pour toute, m'a-t-elle encouragée. Léontine le Balrog va le foutre dehors par l'élastique de son caleçon, ça va être magique.

J'ai soupiré et me suis assis sur une des marches de l'escalier.

- Je crois que je préfère ne pas le revoir, je vais attendre ici.

- Comme tu le sens. J'y vais et je te raconterai ça dans les moindres détails alors.

Elle s'est penchée pour embrasser mon front, puis elle s'est mise à trottiner pour rejoindre la terrasse.

Il n'y avait plus personne à l'intérieur de la maison. Les haussements de voix de Léontine avaient attiré les plus curieux et avaient coupé court à toutes autres conversations. De là où je me trouvais, j'arrivais quand même à entendre le duel qui se déroulait au dehors. J'ai entendu Léontine faire comprendre à Émeric qu'il n'était pas le bienvenu chez elle. J'ai entendu Émeric lui dire qu'il avait cru comprendre que c'était une soirée entre amis, et qu'il avait toujours était son ami. Puis c'est à partir de là que tout a dérapé. Léontine lui a dit qu'elle n'avait plus rien à voir avec lui, et qu'elle ne voulait plus le voir. Il a élevé la voix, faisant mine qu'il ne comprenaient pas, qu'ils avaient pourtant toujours été proches. Elle lui a balancé qu'il était une personne détestable. Et c'est là qu'il a sorti la phrase de trop, celle qui m'a fait sortir de l'ombre avant même que l'idée ne m'en vienne.

- De toute façon, j'sais pas pourquoi je suis toujours pote avec toi, tu traînes qu'avec des pédés.

Mes converses se sont levées d'elles-même, je suis sorti sur la terrasse en me prenant les pieds dans la bouteille de jus d'ananas qui traînait toujours au sol. Tous les visages se sont tournés vers moi. J'ai alors senti toute ma fureur s'évanouir. Émeric a esquissé un petit sourire.

- Qu'est-ce que je disais, la preuve vivante.

Je me suis senti mal à l'aise face à tous ces regards braqués sur ma petite personne, vêtu des vêtements de Léontine.

- Laisse Ani tranquille, lui a balancé Agathe.

- T'es qui toi, son garde du corps ?

J'ai vu la colère d'Agathe monter sans prendre le temps de nous le faire en crescendo. Si elle avait pu détester Léontine pour ce qu'elle m'avait fait, ou plutôt pour ce qu'elle n'avait pas fait, elle haïssait Émeric plus que personne d'autre. Je connaissais Agathe comme une sœur, mais à cet instant, je n'ai réussi à deviner ce qu'elle avait derrière la tête. J'ai paniqué à l'idée qu'Émeric puisse lui faire du mal, quoi qu'elle fasse. Sûrement un relent de mes craintes d'antan. J'ai pris sur moi et, pas après pas, converse après converse, j'ai marché jusqu'à me retrouver à moins d'un mètre de lui. Il était encore en maillot de bain et son air dominant a commencé à me gonfler sévère.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant