6. La litote

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 - Saperlipopette, Lou ! je me suis exclamé.

- Non d'une méduse unitentaculaire ! a-t-il lâché à son tour.

Nous avons dévisagé la machine à peluches qui se trouvait au milieu des stands pour enfants et nos regards se sont simultanément tournés l'un vers l'autre. Nos bouches dessinant un large « O ».

Abandonnant sans scrupule nos deux compagnons qui n'avaient d'ailleurs pas remarqué notre arrêt, nous nous sommes mis à courir vers la machine.

- T'as des pièces ? ai-je demandé à mon partenaire de crime en vidant mon porte-monnaie.

- Au moins dix euros, a-t-il répondu tout excité.

Et c'est ainsi que quarante minutes et vingt euros plus tard, nous nous sommes retrouvés à trimbaler sous le bras dans tout le Summerpark une peluche de Sid de l'Âge de Glace.

- Elle est trop belle, je me suis enthousiasmé en la serrant contre moi.

Je crois bien que j'étais tombé amoureux de ce petit bonhomme d'une cinquantaine de centimètres aux yeux globuleux. Il respirait l'intelligence.

- Plus je te regarde avec et plus je me dis que la ressemblance est frappante.

Sid s'est écrasé sur le visage de Lou sans aucune retenue. J'ai prié pour qu'il le morde, ça n'a pas marché. Mon ami a ri et s'est emparé de la peluche.

- Maltraitance infantile ! a-t-il clamé.

- Sid, attaque ! ai-je ordonné. Il est assez grand pour se défendre tout seul.

Lou a balancé la peluche dans mes bras en prenant un air effrayé.

- AH ! Le charlatant, il m'a mordu !

- Tu vois, ai-je souri en serrant Sid contre moi. Il est très fort. Dis, je pourrais le gardeeeer ?

- Non, moi !

- Je l'ai dit en premier !

- Oui, mais c'est moi qui aie réussi à le sortir de la machine.

- Parce que j'avais réussi à le déplacer près de la sortie avant, ai-je répliqué.

- Tu mens, et de toute façon il me préfère.

- Ah ouais ? Il vient de te mordre, je ne sais pas ce que tu en penses mais pour moi mordre n'est pas un signe d'affection.

- Je-

Lou n'a pas eu le temps de finir sa phrase, les fantômes de Léontine et Sami ont surgi devant nous.

- AH ! a-t-on hurlé tous les deux.

- Ça va, on vous dérange pas trop ? nous a grondé la jeune fille.

- On a attrapé un Sid ! s'est réjoui Lou après avoir repris ses esprits.

J'ai alors brandi la peluche bien haut.

- Et je vais pouvoir dormir avec touuuutes les nuits ! ai-je ajouté.

- Anatole, n'y pense même pas.

- Trop taaard, elle est à moi.

Léontine a levé ses yeux au ciel et Sami a décroché un petit sourire avant de tirer la tronche à nouveau.

- On va à la grande roue, a-t-il déclaré comme s'il venait d'apprendre que Capitaine Crochet avait fait de Peter Pan des amuses-bouches pour son croco.

Alors que Léontine s'est retournée également et que je m'apprêtais à les suivre, j'ai entrevu les yeux de Lou rouler dans leur orbite. J'ai souri et lui ai tendu Sid. Ses lèvres ont affiché un petit merci et nous nous sommes dirigés vers la grande roue, au centre du parc.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant