19. La périphrase

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       Nous n'étions plus qu'à quelques jours de notre grand départ pour le sud. Mes valises étaient toutes déjà prêtes, Agathe repartait le lendemain chez ses parents pour y préparer elle aussi ses affaires, et les vacances allaient se finir. Si j'avais su un jour que quitter cette misérable ville allait être difficile, je n'y aurais pas cru. J'y détestais tout, depuis toujours. Mais en un été j'y avais rencontré des personnes auquel je m'étais attaché. Maintenant j'avais Louison, Julie et Fred, Léontine, et même Clarisse et Véro qui m'avaient promis de me garder un poste au supermarché pour l'été prochain. Elles allaient me manquer, elles aussi.

Mais avant que les séparations se fassent, avant que deux paires de converses amoureuses ne se retrouvent encore uns fois à vivre un amour à distance, il me fallait parler à Lou. Rien ne me paraissait clair dans ma tête. Cela faisait presque dix jours qu'il n'était plus avec Sami, neuf que l'on passait ensemble, mais je me sentais toujours aussi perdu quant à ses attentes envers moi. Avant mon départ, il fallait que je lui parle.

- Dis, Lou, je peux te poser une question ? ai-je osé lui demandé un matin.

Nous avions passé encore une nouvelle nuit ensemble, à regarder Dragon Ball jusqu'à pas d'heure.

- Ouaip, m'a répondu mon ami en enfilant son t-shirt.

Allongé sur son lit, la tête à l'envers et les jambes appuyées sur son mur, j'ai pris une grande inspiration.

- Tu me considères comme quoi, exactement ?

Il s'est coiffé comme il a pu et m'a dévisagé, perplexe.

- Bah, tu es mon meilleur copain.

J'ai fait comme si tout allait bien dans sa réponse, comme si elle paraissait aussi évidente qu'il me le montrait.

- Et... est-ce que tu sais que je suis amoureux de toi ?

- ... Oui, enfin non. Je ne sais pas, tu ne me l'as jamais dit comme ça.

Il a piqué du fard, s'est mis à bredouiller et s'est finalement laissé tomber sur son lit à côté de moi.

- Bah je te le dis, tu me plais, et je crois que j'aimerais vraiment qu'il se passe quelque chose entre nous.

- Il ne se passe pas déjà quelque chose ?

- Si, il s'est toujours passé quelque chose. Mais je veux dire, qu'on soit ensemble peut-être, tu vois ?

Je suis resté perplexe face à mes propres mots. Je n'avais aucune notion de ce dont j'étais en train de parler. Voulais-je que nous formions un couple, lui et moi ? Mais qu'elle était cette notion-là même ? Qu'est-ce que ça pouvait bien changer pour nous, couple ou pas couple, au fond ? J'ai quand même ajouté :

- Enfin, tu ne m'as jamais dit comment tu vivais ta rupture avec Sami, quelle était ma place exacte dans tout ça, pour toi. Je ne sais même pas si c'est juste une histoire de fin d'été, ou si tu aimerais qu'on continue de se voir encore après...

Louison s'est lancé dans un duel de regard avec son plafond en se mordant la joue. Puis il a fini par me dire au bout d'un temps.

- Je t'avoue que je n'en sais rien, Ani.

J'ai pris à nouveau sur moi, je l'ai laissé continuer.

- T'es revenu sans prévenir au début de l'été, pour moi tu avais toujours été mon super copain avec qui j'avais gardé de bons souvenirs, puis on a commencé à se voir tous les jours, à sortir à la mer, en ville, et plus ça arrivait plus j'avais envie de te voir. Mais je ne sais pas comment décrire ça.

- Je ne te plais pas ?

- Si, bien sûr que si. Tu me plais. J'aime te voir danser n'importe comment, rire d'un rien, pleurer quand tu vois mon skate, ou même ne rien faire. Mais je ne sais pas comment décrire ça. J'aime ce que tu es, ce qu'on est tous les deux.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant