12. La gradation

1.1K 231 858
                                    

       C'est en fin de matinée qu'Arthur, le fameux viking moutonneux qui faisait office de frère à Lou, est arrivé. Il a toqué à la porte de la cuisine comme un fou, l'a ouverte tout seul et est entré dans le salon où Lou et moi jouions au monopoly. Il venait de débarquer sur mon hôtel Rue de la Paix, alors autant vous dire de suite que l'arrivée d'Arthur est très mal tombée. Fred et Julie sont entrés dans le salon en l'entendant.

- Salut les zouaves, nous a-t-il tous salués en passant la porte d'entrée. Ça farte ?

Lou a roulé des yeux, Fred lui a donné une tape dans le dos et Julie l'a embrassé.

- L'abruti est arrivé ? a crié Mamie Paul du premier étage.

- Presque entier, lui a répondu Lou en hurlant aussi. Il a encore oublié son cerveau dans le bus.

- Parce qu'il en avait un ?

- JE VOUS ENTENDS, a crié le concerné.

- Arthur, mon chéri, viens m'embrasser, a susurré Mémé.

Le grand blond à la chevelure proéminente a posé ses affaires et est monté voir sa grand-mère. Julie, qui n'avait cessé de parler de son fils depuis que nous nous étions levés au matin, ne m'avait pas menti, c'était le portrait craché de Lou en blond, légèrement plus vieux. Il portait une barbe de quelques jours plutôt douteuse et une paire de lunettes.

- La famille de fous est maintenant au complet, a déclaré Louison à mon intention en affichant un sourire ironique. J'espère que tu es heureux.

J'ai eu envie de lui répondre que j'étais prêt à rester pour toujours avec lui et sa famille dans ce lieu de paradis, si fous soient-ils tous. À la place, j'ai répondu :

- Tu crois que le mouton ça se cuit à la cheminé ?

- Celui-là a la peste, c'est déconseillé.

         Afin de fuir l'être hyperactif qui faisait office de frère à Lou, mon ami et moi sommes descendu jusqu'au village pour y acheter du pain. Nous en avons profité pour nous balader dans les vieilles rues au sol encore dallé. L'air de la montagne était frais, ça nous changeait de la ville. Et puis les rues descendaient trop abruptement pour que Lou puisse se permettre de prendre son skate, ça me plaisait bien. En arrivant vers le centre du village où se tenaient les commerces, nous avons vu des jeunes de notre âge poser des guirlandes le long de la place. Curieux, nous nous sommes approchés.

- Nous décorons pour la fête du village, nous a expliqué un des garçons en essuyant son front plein de sueur. Il y a un orchestre qui vient ce soir, pour le concert. Et puis nous organisons des jeux collectifs cet après-midi et demain. Venez, il n'y a que des vieux sinon...

Pas très emballés de passer notre soirée entourés de jeunes montagnards et de petits vieux, nous n'avons rien promis à ce garçon, nous nous sommes contentés d'acquiescer à chacune de ses explications.

- J'y allais quand j'étais petit, m'a dit Lou, c'est carrément nul mais je te paris qu'Arthur va y aller. Il adore les soirée Claude François où on fait tourner les serviettes.

J'aimais décidément de plus en plus ce Arthur. 

En sortant de la boulangerie un quart d'heure plus tard, Lou et moi nous sommes arrêtés au sommet du pont qui traversait la rivière, au cœur du village. Il s'y est penché.

- Parfois on peut y voir des truites et en ce moment il y a un castor.

- Vraiment !? me suis-je enthousiasmé. Montre-moi ça.

Je me suis penché à mon tour. Je ne voyais rien.

- On pourrait faire un appas à truites avec les miettes de pain, ai-je proposé, très déçu de n'avoir rien trouvé.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant