7. L'oxymore

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       La fin de la troisième semaine de Juillet s'est déroulée lentement. Avec ma nouvelle collègue Clarisse, nous passions nos journées derrière les rayons et la caisse à supporter la vieille Véro et les clients parfois ingrats. Jeudi, j'avais réussi à casser un pot de moutarde en verre et vendredi, les melons m'étaient tombés des bras et s'étaient mis à rouler dans tout le coin légumes du magasin. Clarisse avait fait de son mieux pour dissimuler mes bêtises à la patronne, je lui en étais éternellement reconnaissant.

- Je ne te l'ai jamais dit mais je l'ai trouvé pas mal le pantalon Buzz L'Éclair que tu portais le jour où tu as débarqué au magasin, m'a avoué Clarisse en plantant d'un coup sec son cutter dans le carton qui contenait les couches pour bébé que nous devions mettre en rayon.

- J'ai toujours eu beaucoup de style, me suis-je vanté en la regardant faire, les mains sur les hanches.

- Sauf le jour de ton entretien, la chemise à carreaux à moitié rentrée à moitié sortie de ton pantalon ça ne t'allait pas du tout.

- J'ai voulu faire bonne impression.

- Même avec un pot de chambre sur la tête notre bonne Véro t'aurait engagé. Le coup des galettes de riz elle m'en parle encore.

- Sérieux ?

Je suis monté sur l'escabeau et Clarisse s'est mise à me tendre les paquets de couches plus de douceur plus de bonheur pour des bébés au cul doré, pour que je les range sur l'étagère.

- En vrai, je n'aurais jamais osé porter un pantalon avec un Buzz l'Éclair sur la fesse, mais je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que ça t'allait vraiment bien.

Je n'ai pas osé lui dire que j'avais juste oublié de me changer en sortant de mon lit. Je me suis mis à remuer mon postérieur dans sa direction. Accentuant bien comme il faut mes mouvements de bassin.

- Le coup du Buzz l'Éclair, je le fais à chaque fois pour voir qui matte mes jolies petites fesses.

Clarisse a ri.

- Tu devrais en coudre sur tous tes pantalons alors, ça ferait tomber les filles.

- Et les gars, ai-je ajouté en continuant de faire danser mon train arrière.

Ma collègue l'a frappé avec un paquet de couches. Ça les a de suite calmées. J'ai poussé un petit cri.

- C'est qu'il ne perd pas le nord cet Anatole. Mais effectivement, personne ne résiste vraiment à un Buzz l'Éclair.

- Surtout quand il est porté par un canon de beauté comme moi.

- Ouais, mais apprends d'abord à ranger comme il faut des couches avant de te lancer dans la drague, t'as foutu tous les paquets à l'envers.

J'ai soupiré, effectivement, tout était retourné. Anatole et la malédiction de la maladresse avaient encore frappé.

En fin de matinée, alors que j'étais en train de rentrer chez moi, j'ai reçu un message de Léontine : « On mange en ville ce soir. Viens, tu ne le regretteras pas ».

« Sa marche. On va ou ? », ai-je répondu. « Surprise ! ». Ah, bon, génial, super. J'étais ravi.

         En rentrant, je me suis fait griller une tranche de pain de mie que j'ai recouvert d'une triple couche de pesto, la définition même du bonheur. M'écroulant sur mon lit de minimoys à côté de mon nouvel ami Sid, j'ai ouvert instagram. J'ai alors cliqué sur le profil de Léontine qui m'avait déjà demandé en ami au début de l'été. Elle avait des photos avec son chat, ses chanteurs de rock favoris et ses amis. J'en ai reconnu une avec Louison, elle datait de l'hiver dernier. Ils étaient beaux tous les deux, les yeux rieurs et leur sourire dévorant leur visage. En tentant de ne pas faire de bêtises, je me suis dirigé vers le profil de Lou. La déception m'a pris quand je me suis aperçu qu'il était en privé, adieu mes missions d'agent secret. « Il pleut dans mon cœur comme il pleut sur la ville », y avait-il seulement écrit dans sa description. J'ai hésité, mon index a frôlé le bouton d'abonnement, mais je me suis ravisé et j'ai refermé mon téléphone. Je n'ai pas aimé la photo de profil qu'il partageait avec Sami-te la-mite. Le parasite encore vivant, jamais je ne me serais abonné.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant