9. La métaphore

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- Ça va ? m'a questionné Clarisse alors que je regardais d'un air las l'écran de mon téléphone.

Nous étions au magasin, c'était lundi, et je n'avais pas eu de nouvelles de Lou de tout le week-end.

- Hum, ai-je marmonné.

Clarisse est venue s'asseoir à côté de moi à la caisse. Il n'y avait pas un client. Les mamies à chihuahua avaient dû partir en vacances.

- Qui est Louison ? Ta petite amie ?

J'ai secoué ma tête, le cœur serré.

- Non.

- Outch, j'ai touché un point sensible. En tout cas c'est un beau message qu'elle t'envoie là. C'est du Aragon.

J'ai lu pour la vingtième fois le poème qui était affiché sur mon écran.

- Louison est un garçon, lui ai-je avoué.

Ma collègue a soupiré.

- Je ne voudrais pas m'immiscer dans tes relations, mais tu devrais lui proposer de vous voir. Tu as l'air de lui en vouloir bien plus qu'il ne t'en veut.

J'ai senti mes converses se crisper autour de mes pieds.

- Je dois téléphoner, ça t'embête de garder le magasin ?

- File, je te couvre, m'a dit Clarisse en me faisant un clin d'œil.

Je lui ai souri faiblement et je suis sorti dans la rue. Le soleil du début d'après-midi tapait fort. J'ai cliqué sur le téléphone vert à côté du prénom d'Agathe. Ça a sonné.

- Comment va mon Ani chéri ? a chantonné sa voix à travers le téléphone.

- Il m'a envoyé un message. Un poème.

- Quoi !? s'est-elle étonnée. Ce gars est d'un romantisme, je fangirle. Il t'a dit quoi ?

- Ça n'est pas important.

- J'ai bien peur que si. Ani, tu me couves quelque chose. Depuis hier je sens que tu perds pied.

Agathe avait été la première personne avec qui j'avais réussi à parler au lendemain de la soirée au bar. Avec ma gueule de bois et mon cœur en petits morceaux, elle avait passé la journée à tenter de me remonter le moral. Je trouvais que j'allais beaucoup mieux lorsque j'ai reçu le texto de Louison. L'innocence dans ses mots m'a blessé. Il ne savait pas dans quel état il m'avait mis, bien sûr que non, comment aurait-il pu le savoir ? Le mal ne venait pas de lui, mais de ce que moi je m'étais imaginé. Les souvenirs de la nuit de samedi me hantaient.

- Clarisse pense que je devrais avoir une discussion avec lui. J'y pense aussi.

- Parfois tu fais preuve de génie, ça m'en bouche tous les coins.

- Tu en penses quoi, toi ?

- Je pense que tu devrais lui proposer de le voir, mais seul à seul. Sans la peste et Sami-nerve. Vous n'en avez pas eu l'occasion, et ça t'aiderait à y voir plus clair.

- Tu penses qu'il acceptera ? ai-je douté.

- Ils ne sont pas mariés que je sache ? Alors il n'a pas de raison de ne pas venir passer une soirée avec Anatole Franklin.

Sa réponse m'a soulagé.

- Merci Agathe.

- Avec plaisir mon petit canard en sucre.

J'ai fait la grimace.

- Tu as lu mon dernier chapitre sur Drarry ? a-t-elle vite enchaîné.

- Oui, je l'ai dévoré, mais on en parle ce soir, il faut que je retourne bosser avant que Véro ne vienne botter mes jolies petites fesses.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant