17. La personnification

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    Assis sur une des rives du canal qui contournait le versant nord du parc, je regardais les petites grenouilles barboter dans l'eau en réfléchissant à ce que m'avait dit Sami devant chez moi tout à l'heure. Je pensais à ce que ça signifiait pour lui, car il n'avait plus Lou pour l'épauler, pour Lou, qui venait de se faire larguer, et puis pour moi, qui ne savait plus où me situer dans tout ça. Mais surtout, pour nous, Louison et moi. Dans deux semaines c'était la rentrée, j'allais partir avec Agathe encore une fois vers une nouvelle vie, est-ce que ce temps nous permettait quand même de vivre quelque chose ? Est-ce que la distance allait encore avoir raison de nous ? Est-ce que-

- Aïeeeeee ! Putain ! je me suis exclamé en portant une main à mon front qui venait de subir un choc.

J'ai senti du sang couler le long de mon visage.

- Merde ! Ani, c'est toi ?

J'ai levé mon regard vers le pont en fer qui traversait le canal au-dessus de moi.

- Lou !? me suis-je étonné.

J'ai aussitôt baissé mon visage pour contempler la bouteille de bière qui gisait à mes pieds et qui m'avait percuté de plein fouet.

- T'es sérieux là ? Tu veux me faire une nouvelle cicatrice ? me suis-je plaint alors qu'il courait pour me rejoindre.

- Je suis désolé ! s'est-il excusé lorsqu'il est arrivé à ma hauteur. Ça va ?

- Ouais, ai-je marmonné. Tu t'es remis à balancer ces ordures à la figure des gens ?

Il a passé nerveusement une main dans ses cheveux. J'ai senti le bout de ses converses effleurer les miennes.

- J'espérais peut-être pouvoir tomber de nouveau sur un savant fou.

J'ai voulu sourire mais la douleur que me provoquait ma blessure au front m'a immédiatement fait faire une grimace. Il a pris une grande inspiration en se mordillant la joue. Je l'ai senti nerveux.

- Je suis désolé pour notre dernière discussion, et de t'avoir fait du mal aussi... J'aurais dû être plus honnête avec moi-même avant de te faire espérer quoi que ce soit.

- Ça n'est pas grave, je vais aussi bien que faire se peut, l'ai-je rassuré. La preuve, je survie encore à des coups de bières dans la face.

Il a souri, les yeux sous ses lunettes sont venus capter les miens. J'ai essayé de soutenir son regard.

- Je ne suis plus avec Sami, m'a-t-il alors avoué.

J'ai hoché la tête en me pinçant les lèvres.

- Enfin, ne crois pas que je te dis ça pour que- enfin parce que tu es là, que je reviens, qu'on se revoie. Je ne reviens pas vers toi parce que je ne suis plus avec lui après une semaine de silence radio, c'est juste que comme tu es là et que je suis là, je voulais te le dire. Simple hasard.

Je l'ai regardé se dépatouiller dans ses explications, c'était un phénomène très intriguant à étudier.

- Enfin comme ça maintenant tu le sais. Bref, il va bien, Sid ?

Sans me laisser le temps de peser le pour et le contre, mes converses sont montées sur les siennes et, dans un élan qui m'est apparu de je ne sais où, j'ai glissé mes mains le long de sa mâchoire et je l'ai embrassé.

Il a eu un mouvement de recul, son skate s'est écrasé au sol, nous avons failli tomber à la renverse, mais par chance il a eu le réflexe de venir me retenir par la taille. Mes lèvres ont retrouvé ses lèvres, ses lunettes sont venues cogner mon nez et le sang de mon front s'est mis à s'immiscer entre nos visages. Le romantisme était tout un art avec nous. Louison a répondu à mon baiser avec encore plus de passion, j'ai senti mes jambes devenir flagadas.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant