Mergon, an 319
Poleon était au milieu du grand sanctuaire, une arme à la main. Il avait revêtu la même toge beige que tous les partisans portaient autour de lui. Eux-aussi étaient armés. Il pouvait même reconnaitre certains poignards et certaines épées qu'il avait lui-même forgés quelques jours auparavant.
Poleon ne tenait pas en place. Il attendait ce jour avec impatience depuis qu'il avait entendu le Prophète leur conter l'avènement de la délivrance. Tous les fidèles étaient de nouveau attroupés devant cet homme au charisme envoutant mais ce n'était pas une cérémonie comme une autre. Un mélange d'excitation et d'impatience y régnait. Tout le monde avait envie d'en finir au plus vite.
- Chers fidèles, je vous ai longtemps parlé de ce jour où nous prendrions les armes pour nous battre pour la Divinité Humaine. Ce jour est venu. Aujourd'hui est un jour historique dans l'histoire de Geiburg, de Wathaarm et du Continent mais surtout pour la Divinité Humaine. Dans plusieurs siècles, vos descendants parleront de ce moment comme le plus important de l'histoire et ils seront fiers de savoir que leurs ancêtres se sont battus vaillamment pour leur liberté.
A chaque parole du prophète, sa paume serrait un peu plus fort son épée et sa détermination devenait plus forte que jamais.
- Comme je vous en ai parlé hier, le plan est très simple. Nous serons divisés en deux groupes. Un petit groupe attaquera l'Est du château pour divertir les gardes du chateau tandis que le deuxième, plus gros, attaquera par l'Ouest une fois le chemin dégagé. L'objectif est simple : tuer le duc et la duchesse et ne pas vous faire tuer. Écrivons l'histoire aujourd'hui chers fidèles ! Le jour est venu !
Un tonnerre d'exclamation retentit dans le Sanctuaire encore plus fort que d'habitude. Poleon était transcendé par cette ambiance si particulière. Il leva son arme en l'air en criant « Divinité Humaine » et fut rapidement imité par les autres fidèles. La scène dura plusieurs minutes avant qu'il ne soit l'heure de partir et que tout le monde quitte les lieux.
Poleon faisait partie du plus grand groupe qui était chargé d'entrer par l'Ouest. Pour ne pas trop se faire remarquer dans les rues sur le chemin jusqu'au château, ils devaient rester en petite troupe de cinq à dix personnes. Le jeune forgeron était avec trois hommes plus âgés que lui armés chacun d'une grosse hâche et de deux femmes très jeunes qui tenaient de petits poignards à la main. Ils se faufilèrent entre chaque ruelle, empruntant tous les raccourcis de la ville et arrivèrent à quelques mètres du château au bout de quinze minutes.
Plus ils s'approchaient des appartements du duc et de la duchesse, plus l'adrénaline montait en Poleon. Pour le Prophète, pour la Divinité Humaine, il était prêt à donner sa vie et à ôter celles de tous les magiciens qui se dresseraient sur sa route.
Ils tournèrent à droite et une fois arrivés tout près de la porte Ouest, ils entendirent l'alarme sonner depuis l'enceinte du château. C'était surement l'attaque à l'Est qui avait commencé. Les quatre gardes qui étaient plantés devant l'entrée du château quittèrent leur poste pour prêter main forte à leur camarade. Même s'ils étaient restés, plusieurs centaines de fidèles armés et déterminés allaient attaquer les occupants de la petite forteresse et ils n'auraient rien pu faire pour les en empêcher.
Sans hésiter, Poleon s'élança à grandes enjambées dans le château, accompagné de son petit groupe et des autres troupes qui étaient devant et derrière lui. Les villageois autour d'eux les regardaient estomaqués et les rares qui osaient appeler à l'aide se faisait réduire au silence par un coup de poignard bien placé.
C'était la première fois que Poleon pénétrait dans la cour et il pouvait enfin approcher de plus près ces bâtiments qu'il avait longuement admirés de loin dans sa jeunesse. Il espérait y vivre dès demain aux côtés du Prophète. « Merci mon garçon. La Divinité Humaine t'en est reconnaissante. » lui avait dit le chef du mouvement lorsqu'il avait ramené plus d'une centaine d'armes au Sanctuaire. Poleon avait été touché par cette phrase et s'était mis à rêver de figurer parmi ses plus proches disciples.
De ce que leur avait dit le Prophète, la chambre ducale était au deuxième étage de la plus grande tour du château qui s'appelait la Tour de la Joie. L'entrée était située tout près de la Porte Ouest. Malgré la diversion faite par le petit groupe à l'Est, quelques gardes étaient restés au pied de la Tour. Choqués par l'attaque massive, ils dégainèrent leur grande épée alors que les fidèles en tête de cortège commençaient à les charger. Il ne pouvait voir précisément les premiers affrontements qui se déroulaient devant lui mais il entendait des hurlements de douleur. A leur droite, Poleon remarquait que cinq soldats supplémentaires arrivaient pour défendre la Tour. Ils devaient avoir compris que le duc et la duchesse étaient la cible de l'attaque. Poleon prit son courage à deux mains et se rua sur eux. Il fut heureux de voir que son petit groupe et d'autres disciples en toge beige l'accompagnaient, l'arme braquée sur leurs adversaires.
Vêtus d'une armure en cuir, d'un heaume, d'un petit bouclier et d'une longue épée, les soldats étaient mieux protégés et sans aucun doute de bien meilleurs combattants mais les fidèles de Divinité Humaine avaient l'avantage du nombre et surtout ils étaient habités par un sentiment de toute puissance. Le Prophète était avec eux. La Divinité Humaine était avec eux. Ils ne pouvaient rien leur arriver et si toutefois ils mourraient, ce serait pour une cause noble qu'ils avaient choisie.
Face à la quinzaine de personnes qui fonçaient sur eux, les cinq gardes cessèrent d'avancer et eurent même un mouvement de recul. A quelques mètres d'eux, Poleon les vit se regarder mutuellement, probablement apeurés, mais ils parvinrent à bloquer les premières offensives sans trop de difficultés. Un de ses compagnons s'effondra au pied de Poleon. Sans un regard pour ce corps inanimé, il lança un coup au premier soldat devant lui qui était occupé à parer l'attaque d'un autre fidèle et l'atteignit en plein gorge. Le sang de son adversaire gicla sur lui et l'homme tomba au sol sur le corps du fidèle tué quelques instants plus tôt.
C'était la première fois de sa vie que Poleon ôtait la vie de quelqu'un. Avant d'entendre parler de la Divinité Humaine et du Prophète, il n'aurait jamais pensé un jour tuer ou même se battre, persuadé qu'il ne resterait qu'un simple forgeron toute sa vie. Aujourd'hui, il avait assassiné un garde du château. Un sentiment de fierté s'empara de lui. Il était heureux de participer activement à ce magnifique projet. Pendant quelques secondes, il se tourna vers les fenêtres du deuxième étage de la tour. Il n'avait qu'une hâte : s'y rendre en vitesse pour tuer le duc de ses propres mains. Il s'élançait en direction de l'entrée du batiment lorsqu'il sentit tout à coup une douleur courir de son fessier à son mollet gauche. Sa jambe lâcha et il tomba au sol à quelques mètres du soldat qu'il avait tué. La souffrance s'accentuait de seconde en seconde. Il cria, cria très fort. Il avait du mal à respirer. Il sentait le sang qui coulait sur sa cuisse. C'était comme si on lui avait arraché la jambe. Il jeta un coup d'œil à l'endroit d'où venait la douleur et remarqua qu'il avait reçu un coup d'épée à la cuisse. Il hurla une dernière fois puis ferma les yeux et sombra dans l'inconscience.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, une femme était à son chevet. Il était toujours allongé sur la cour mais lorsqu'il regarda autour de lui, il remarqua que le lieu était désert. Combien de temps était-il resté inconscient ? Il tenta de bouger mais la douleur le rappela à l'ordre. Il émit un grognement.
- Ne bouge pas, lui demanda la femme. Je vais panser ta plaie.
Elle devait avoir au moins une quarantaine d'années et était loin d'être agréable à regarder avec les multiples verrues qui recouvraient sur son visage. Mais elle semblait gentille et de bonnes intentions. Poleon aperçut qu'elle portait une toge beige. C'était l'une des leurs.
- Le duc .. a été ... essayait de demander Poleon d'une voix faible.
Il souffrait beaucoup trop pour finir sa phrase.
- Le duc est mort, répondit la soignante après avoir deviné sa question. Tout comme la plupart des gardes, ainsi qu'une partie des habitants du château mais aucun signe de la duchesse.
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La Danse des Royaumes - T1 : La Vengeance de l'Impératrice
FantasyTrois ans après la Dispute de Mahtal, une nouvelle guerre se profile au sein du Continent du Monde. Le roi Tran III et sa femme la reine Evalia sont bien décidés à venger la mort de membres de leur famille et à créer un véritable Empire. Les rohrien...