Chapitre 18 : Toman

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Cudmouth, an 319

- Alors vous avez réfléchi ?

Toman se tenait face au duc de Cudmouth. Le seigneur du château, accroupi au sol comme la veille, avait une mine encore pire que celle du matin précédent. De grandes cernes s'étaient formées sous ses yeux rouges. Il n'avait probablement pas dormi de la nuit.

Samin ne répondit pas.

- Vous savez aussi bien que moi que nous allons réussir à conquérir Opewaldia avec ou sans votre aide, continua Toman. Mais si vous coopérez, vous et votre famille aurez la vie sauve.

- Je préfère mourir dans d'affreuses souffrances que vivre en sachant que j'ai trahi mon peuple, cracha-t-il. Tuez-moi, torturez-moi, faites ce que vous voulez de moi mais ne touchez pas à mes enfants et à ma femme, je vous en supplie.

Le prince avait envie de pleurer. Il se retint de craquer. Il voyait à quel point il était en train de détruire cet homme rien qu'en lui imposant ce choix cornélien et il haïssait ça. Il détestait devoir faire ça. Il tacha tout de même de garder un ton assuré.

- C'est à moi de vous supplier cher Duc. Je n'ai aucune envie de vous tuer, ni même de tuer les vôtres. Alors je vous en supplie, ne m'obligez pas à en arriver là.

Il était sincère. Il ne voulait pas avoir la mort d'innocents sur la conscience. Toman se rendait bien compte qu'il n'arriverait jamais à mettre ses menaces à exécution et il craignait que le seigneur de Cudmouth le sente également.

- Vous m'avez l'air d'être un bon garçon, lui dit Samin avec sincérité. Vous savez, je respectais beaucoup votre père. C'était un homme brave et juste. Je ne pense pas qu'il approuverait que vous massacriez des enfants. Jamais vous n'ose...

- Ne parlez pas de mon père ! s'exclama Toman en serrant ses poings et en s'approchant du duc.

La colère avait pris le dessus sur la tristesse. Il ne supportait pas qu'on parle de son père et encore moins que l'on parle en son nom. Il se tenait à quelques mètres de Samin et était tout prêt de le frapper au visage. Il était fou de rage, non pas contre son interlocuteur mais contre lui-même. C'était un homme faible. Son père n'aurait pas non plus été capable de tuer des innocents mais il avait été un roi fort et puissant qui avait toujours trouvé un moyen d'arriver à ses fins. Toman était juste un prince qui passerait toute sa vie dans l'ombre de son frère.

Il tenta d'apaiser ses émotions et de reprendre le contrôle de la situation.

- J'ai vu votre fils Gabin se battre. Un de mes hommes l'entraine tous les matins. Il est vraiment très doué, comme son paternel.

Le duc de Cudmouth le dévisagea, cherchant à comprendre où il voulait en venir.

- Je me demande s'il serait aussi bon si on lui crevait les deux yeux ou avec un bras ou une jambe en moins.

Cette fois-ci, c'était le duc qui semblait perdre son calme. Il serrait les dents et se retenait probablement d'insulter Toman de tous les noms.

- Vous n'oserez pas, le défia-t-il.

- Vous voulez parier ? répliqua Toman d'un air amusé.

- Vous êtes une personne ignoble. J'ai hâte que l'épée d'Ekir vous transperce la gorge.

- Merci, je prends ça pour un compliment, mentit le prince en simulant un sourire.

En réalité, la phrase du duc l'avait atteint en plein cœur. Toute sa jeunesse, il s'était efforcé de suivre les traces de son père en respectant les valeurs qu'il lui avait enseignées. Mais depuis qu'il s'était lancé dans cette guerre, il semblait s'écarter du droit chemin. Il avait peut-être beaucoup plus changé que son frère finalement.

La Danse des Royaumes - T1 : La Vengeance de l'ImpératriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant