Je fixe mon visage dans le miroir depuis un moment déjà. J'ai envie de pleurer. C'est la première fois en deux ans que je me vois ainsi. Mes cheveux sont coiffés en un chignon serré et laqué. La cousine de Lina, Nadja, m'a maquillée. Maintenant elle est partie fouiller dans la réserve pour me dégoter une paire de pointes. Je ne me suis pas vue aussi jolie depuis tellement longtemps ! Quand je me vois comme ça, je repense à ma vie d'avant, quand j'étais heureuse et libre. Margaret devrait être ici avec moi mais ce soir je suis seule. Je pensais que danser de nouveau me faire me sentir mieux mais c'est tout l'inverse. Quand je me vois ainsi, je pense à ce que j'étais et la personne que je vois dans le miroir ce n'est plus vraiment moi. La jeune femme insouciante a au fil du temps laissé place à une jeune femme marquée par les horreurs de la vie. J'ai peur. J'ai peur de ne pas y arriver, de ne plus savoir faire ce qui faisait partie de moi. Et si je n'arrivais plus à danser ? Je serais vraiment abattue si c'était le cas.
- Tu ne t'échauffes pas ? Me demande Lina, assise sur un pouf derrière moi.
- Si si. Je réponds, me forçant ainsi à sortir de mes sombres pensées.
Je me lève et lisse le tulle de mon tutu. Il n'est pas aussi clinquant que ceux que je portais avant mais présentement il me semble le plus beau que je n'ai jamais porté. Lina a visé juste: je n'ai pas danser depuis tellement longtemps, je risque d'être affreusement nulle. J'ai peur d'être ridicule. Quand j'étais à l'opéra j'ai toujours du m'entraîner très dure pour être à la hauteur. Le Maître Giavazzini passait son temps à me crier dessus pour que j'atteigne la perfection. Comment pourrais-je l'atteindre alors que je n'ai pas danser depuis aussi longtemps ?
Je pose alors ma main sur la barre en bois et commence une série de plier en première position. Je sens mes muscles tirer dans mes cuisses, mais je continue. Je passe bien 45 minutes à la barre. J'enchaîne les échappés, les grands battements, les battements sur le coup de pied et ronds de genoux en l'air, etc... Enfin je passe à l'échauffement au sol. Au début j'ai un peu de mal mais à force je finis par passer le grand écart facial. Cela me rassure un peu mais je suis encore loin de pouvoir enchaîner les déboulées et les piquets au jarret.
Alors que je réfléchis, la tête appuyée sur les coudes reposant par terre devant moi, Nadja entre avec une paire de pointes assez abîmées dans les mains.
-Wauw! wat ... waarom ben je altijd zo raar frans? S'étonne Nadja.
- Blijkbaar is het een oefening in flexibiliteit. Répond Lina en néerlandais. Heb je de slippers ?
- Ja maar ze zijn behoorlijk beschadigdw
- Het maakt niet uit, het zal vanavond lukken.
Nadja me tend les chaussons. Dès que je sens la soie entre mes doigts, mon cœur accélère. Je m'empresse de les enfiler. Elles sont très abîmées et je sens un peu le sol à travers mais je suis beaucoup trop contente pour m'en préoccuper. Je m'approche de la barre et je monte sur mes pointes. Au début j'ai un peu mal parce que mes pieds ne sont plus habitués à être dans cette position mais c'est une douleur qui me fait du bien au cœur.
Je m'échauffe cette fois sur pointe pendant encore quelques minutes avant de retourner m'asseoir.
- Comment tu fais pour tenir sur un si petit bout de bois ? Demande Lina, épatée.
- Je ne sais pas, souris-Je, pour moi c'est comme...respirer. Sinon vous avez vu Maximilian ? Je demande.
- Il vend les billets à l'entrée avec Lukas.
- Lukas ? Je demande avec incompréhension.
- Oui, tu sais Le Brun, qui était chez Frédérick tout à l'heure.
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En un battement de Cœur
Ficción históricaAline a 19 ans, elle est juive et résistante. Son pire démon : les nazis. Déportée à Auschwitz, elle va comprendre que rien n'est prédéfini, découvrir que parmi ces soldats certains ont un cœur. Le Reichführer Himmler est l'exception qui confirme la...