L'INSTINCT MATERNEL

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Nabou : C'est à toi de lui dire. Cest le rôle d'une mère envers son enfant de lui prévenir de tout danger qui lui guette.

Fatou : Sérieusement, vous me faites peur ma tante. Je vous en prie, dites-moi tout.

Coumba : Je ne sais pas comment te le dire mon enfant. Je suis désolé mais d'un instant à l'autre, les notables risquent de se présenter chez nous.

Fatou: Qu'est-ce qu'ils vont venir faire ici?

Coumba: Ce n'est pas de ta faute ma fille, je n'ai pas eu le temps de t'en parler bien avant. Je ne voulais pas te stresser avec ta grossesse. Ils ont découvert que t'avait une grossesse hors mariage.

Fatou: Comment ils ont su? Tu ne les as pas dit que je me suis divorcé avec mon mari? Maman réponds moi, j'ai besoin de réponse.

Coumba: Tu sais plus que moi que cette histoire est montée de toute pièce. Cet enfant est né hors mariage. J'ai essayé d'en parler avec nos voisins mais les nouvelles de ta grossesse sont arrivées avant toi. Quelqu'un les a informé. Ils m'ont parlé d'une femme. Les choses étaient déjà contre nous, tout ce que je dirais, pouvait mettre en cause la crédibilité de notre famille. Je me suis enfermé, prié et pleuré pour que les choses reviennent dans l'ordre mais aujourd'hui tout nous rattrape.

Fatou: Qui pourrait informer de ma grossesse aux villageois, je reste sans voix. Ma dignité est là, je reste forte. Et qui ose taquiner mon enfant, le payera très cher. Mon enfant ne devrait pas souffrir de mes erreurs. Maman, ne t'inquiètes pas, la situation est sous contrôle.

Nabou: Y'a quelque chose que tu ne sais pas. Comme que ta mère est incapable de le sortir de sa bouche, je suis obligé de le faire. Tu sais ici, notre tradition nous interdise beaucoup de choses. Elle est basée sur ses propres réalités, différentes de celles de cette époque moderne. D'une minute à l'autre, ils viendront pour récupérer votre fils sous le commandement de leur grand fétiche Koro Mack.

Il est connu de toute l'étendue du Saloum.Son nom va au-delà des pays sérères et il est reconnu comme le plus grand féticheur de tout le temps parce qu'il a toujours prévenu tous les malheurs qui touchent le pays Sérère et grâce à ses sacrifices tout rentrait dans l'ordre. Il a en sa guise des troupes de soldats qui ne vivent que pour exécuter ses dires. Ta vie ainsi que celle de ton bébé sont menacées.

Nabou: Ceux-ci l'ont vendu leurs âmes et sont tous prêts à mourir rien que pour satisfaire ses désirs méme le plus odieux allant jusqu'à massacrer des populations dont leur grand chef juge abominables. Il n'a peur de rien. Rien ne peut faire reculer Koro Mack.

Fatou : Comment? Que cherchent-ils?

Nabou: Je suis navrée mais tu devras leur rendre l'enfant de gré ou de force.

Fatou: Je ne laisserais jamais ces sanguinaires s'accaparer de mon fils. Hors de question, je ne l'ai pas mise au monde pour le perdre en si peu de temps. Qu'est ce qu'ils vont faire avec cet enfant loin de sa mère?
Qui va l'allaiter à ma place?
Fatou se faisait tellement d'interrogation sans pouvoir en avoir une seule réponse. Elle est confrontée au silence de sa mère, et aussi, aux réponses voilées de sa tante. En fin de compte, elles viennent lui gagner ce monde, plus beau parmi tellement d'autres. Son bonheur était vite résumé à une incertitude grandissante dont ces deux femmes seules avaient le secret. Tout devenait obscur même la lumière agonisait et perdait peu à peu de son éclat.

Nabou: Notre petit fils n'aura pas besoin d'être allaité, il va servir de sacrifices. La tradition dit que quand un enfant naît hors mariage, il devient une abomination. Il devrait être égorgé par le chef mystique sous le grand baobab pour calmer les ardeurs des ancêtres. S'il ne s'accomplit pas, un grand malheur va s'abattre dans tout le Sine-Saloum. La pluie ne viendra, les récoltes ne seront pas bonnes. Les fleurs vont sécher. Le peuple va tomber dans une famine sans précédente. Les bétails vont mourir, tout va pâlir à la colère des ancêtres.

Fatou: Cette histoire ne tient pas debout. Je préfère garder ma progéniture. Y a-t-il une fois une situation similaire s'est produite?

Coumba: Bien-sûr ma fille, on nous les a rencontré comme tout le monde dans le visage. Mais d'après les autres villages, cette abomination n'était pas pour sanctionner la fille enceinte hors mariage mais elle révélait de la colère des ancêtres qui ont vu Koro Mack s'en prendre aux faibles, piller les récoltes des villages environnants, brûler leurs cases, capturait leurs hommes, leur servant d'esclaves. Koro Mack avait soif de gloire et n'hésitait pas à montrer sa force même aux faibles, non armés.

Nabou: Et pour camoufler tout ceci, il pointa du doigt la femme enceinte hors mariage, lui prenant sa fille et le donna en sacrifice. Ils racontent même que la femme était même enceinte avant de divorcer. Mais il n'en faisait qu'à sa tête.

Si tu ne lui donnes pas l'enfant, il va retrousser terre et cieux pour vous retrouver et vous faire payer si vous décidez de fuguer.

Fatou: Je ne renoncerai jamais à mon enfant même au prix de ma vie. J'ai juste décidé de le garder et il portera le nom de son grand père Mademba.

Coumba: Fatou, ne me faites pas ça. Je tiens à te protéger autant que tu le tiens à le faire pour ton fils. Tu es jeune et tu pourrais m'en refaire d'autres petits fils.

Fatou:
Xéex, kuko fekke,
Boo attewul danga sote.

Coumba: Je ne voudrais pas que tu ailles à l'encontre de ce que les ancêtres ont prévu. Ne te lances pas dans une guerre où t'es toute seule, jeune et affaiblie. Tu risques de te cogner à la colère d'une vaste armée. Ressaisis-toi.

Fatou rétorqua :
¨Weurseuk ou mélentan,
Gney mounouci dara.¨
La chance d'un fourmi, l'éléphant n'y peut rien.

Ils n'ont aucune chance pour que je leur rende mon fils. Quelque soit le sort qui m'attend, elle mérite d'être vécu pleinement.
J'ai décidé de ne pas le remettre aux anciens. Mon enfant ne doit pas servir de sacrifice, plutôt mourir que de le remettre à ces sanguinaires. Je n'ai pas supporté neuf longs mois pour finalement le perdre.

Coumba: Tu sais pertinemment qu'il ne peut pas vivre sous ce toit.

Fatou kassé: Pourquoi pas? S'il n'en ai pas question, je préfère m'en aller loin, trop loin pour ne pas vous mettre en danger.
Il est temps d'abolir ce mythe. On fait tous des erreurs et pardonner est plus équitable pour tous. Le monde a évolué et les mentalités le sont aussi. Ces croyances anciennes ne me feront reculer dun pas sur ma décision de le garder.

Coumba: Ce n'est pas prudent ma fille, ils te l'arracheront de gré ou de force.

Fatou kassé: Ils devront passer sur mon cadavre. Mon seul mot ordre est de m'enfuir loin, aussi loin que le soleil du Sine Saloum ne pourra m'éclairer. Loin que mon ombre me quitte en cours de route. Seul Mademba compte et même au péril de ma vie. Je me chargerai de le mettre en sécurité.

Nabou: Tu ne seras pas seule Fatou, de près ou de loin, on va unir nos forces pour te tirer d'affaires. Tu te lances dans une vie parsemée d'embûches, une nuit sans lune. Mais saches que t'es libre de faire de faire ton choix, ce choix que peu d'hommes auront choisi pour sauver leur progéniture. Fies toi à ton instinct maternel, c'est ce qu'on a plus que les hommes. On est conçue pour prendre soin tout ce qui est rattaché à notre être. Tu incarnes ces grandes figures de femme, celles qui méritent d'être décorées.

UNE VIE EN CAVALE ( PARTIE I )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant