Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (1/3)

77 25 31
                                    

Une silhouette se tient là. Le ciel se met à pointer à l'horizon, apportant de la luminosité progressivement sur les troncs d'arbres, les lianes enlisées, les affaires d'Eskiell sont les premières à recevoir les rayons lumineux du petit matin encore doux, suivies de celles de Bordos à côté de l'insignifiante besace qu'il trimbale.

Mais aussi expressive que puisse être cet afflux lumineux, elle a déjà entamé les quatre personnages, debout, le regard scrutant quelque chose d'aussi droit.

Les rayons jouaient avec leurs yeux, leur produisant un écran désagréable, à cet instant.

Il est là, il ne bouge pas encore. Combien de temps sont-ils tous happés par ce silence ? Leur visage désigne ce même point. Les captifs de la stupeur se posent une seule et même question.

C'est Nsenga qui coupe le silence. Il tourne quelque peu sa tête en direction de Bordos tout en ne quittant pas des yeux, la créature aux formes humaines.

Elle est là, une jambe dépassant l'autre. La tête légèrement inclinée, rendant son regard intimidant. Toute sa tête est d'un même blanc argent sur un crâne relativement humain et sans cheveux. Ces yeux luisent telles deux flammes : rouges et perçants. Ces lèvres sont parcourues de stries.

Son regard est menaçant, cela se perçoit sans mot dire. Il n'est pas là pour dialoguer. Pourquoi l'instant semble éternel ? Plus rien n'a l'air de se mouvoir autour. Et ce visage qui se concentre sur leur position, la bouche fermée.

Son corps est d'un acajou intégral. Il possède au bout de ses coudes, des extensions en forme de dague. Ses bras sont droits et son dos est plié.

Il est trop loin pour que le groupe puisse apercevoir ses jambes. Mais ce qui saute aux yeux, c'est que la créature est élancée.

— Chef, commence le prêtre, prêt à faire une syncope. C'est... un e-motio... renchérit-il.

Il n'est point donné au chef, la minute nécessaire pour une simple phrase. La bête au loin vient de bouger les bras, un peu comme pour les balancer. La seconde qui suit, un frisson traverse l'échine des quatre hommes. L'e-motio s'est élancé. Il approche, forçant le pas. Il est rapide. Il sera là dans quelques minutes.

Réflexe anéanti, le groupe reste cloué sur place pendant la seconde du mouvement, observant la mort s'approcher sans voile.

— Tout le monde en position ! hurle Bordos, de sa voix la plus déchirante.

Les jambes sont désenchantées d'un coup. Chacun se rue à son arme la plus proche. Nsenga lève son bras gauche vers son dos et ouvre sa main. Deux secondes plus tard, une fiole se retrouve dans sa main.

Le prêtre s'avance de quelques pas paraissant calculés, flanque son regard sur le sillage de l'assaillant qui fonce à une allure effrénée vers la petite équipe.

Pas besoin de plus de détails. Le guide lance une suite de lettre incompréhensible. Sur le champ, apparaît un bâton d'un mètre soixante qui se met à briller dans la paume de Nsenga.

Ce dernier lance de toutes ses forces l'objet, qui atterrit à une dizaine de mètre de l'incantateur. À la rencontre immédiate avec le sol, une barrière de flammes bleues se forme sur tout le contour de leur camp.

La menace est arrivée à leur hauteur. On le voit difficilement malgré la barrière transparente. On le désigne par ses yeux brillants comme deux étoiles.

— Bien joué Nsenga, s'écrie Bordos, ayant rassemblé ses affaires et brandit une arme automatique ressemblant à un harpon.

« Ok, tout le monde... préparez-vous à déguerpir... Ici, nous ne sommes pas dans notre environnement habituel. Ici, c'est la Toile. Si nous restons trop longtemps au même endroit, d'autres plus sinistres que celui-ci vont débarquer et... »

Il n'a pas le temps de terminer sa phrase. Tous les quatre restent ébahis face à la scène qui se profile à leur vue.

— Nzenga... t'es sûr que ta barrière, c'est des flammes ? interroge Eskiell, le regard visant la barrière.

« Parce que ce que je vois, c'est du tissu que la bête tente de déchirer... »

Le monstre a les deux mains sur la barrière, l'étirant de haut en bas, se forgeant un passage. Le trou se veut plus osé. On aperçoit la vilaine face dont l'absence de nez, octroie à l'indésirable, un aspect infernal.

— Ça sent le roussi... Préparez-vous à l'abattre, prononce Bordos, le regard renfrogné.

Selfor se donne la peine d'ouvrir la marche. Subitement, il s'arrête. Il paraît tétanisé. L'attention portée à l'e-motio vient d'être supplantée par une vision bien plus cauchemardesque, pour les courageux voyageurs.

Une légion d'e-motio de la tentation remplit tout l'horizon à leur droite. Ils commencent à comprendre sur le moment, que la première menace n'était qu'une diversion. L'avant-garde de l'essaim se colle à la barrière, générant une forte pression sur celle-ci. Ils ont beau brûlé, il n'en est pas moins obstiné.

Alors que l'équipe assiste bouche bée à l'attaque, des sortes de petit trou commencent à se distinguer sur leur défense enflammée.

— On bouge ! hurle énergiquement Bordos, avec toute la force de ses poumons en s'élançant déjà en direction de la pente à une vingtaine de mètre.

La course haletante débute. Personne ne doit se retourner. On aperçoit la pente, mais elle est encore loin. Qu'à cela ne tienne, ils feront de leur possible pour arriver jusqu'au bout.

— Couchez-vous, tout de suite ! s'égosille Eskiell.

Les trois autres ne cherchent pas à en connaître la raison et s'accroupissent promptement. Un coup d'une violence effroyable, se fait entendre pendant qu'une vague de ses bestioles les surplombent à vitesse grand V.

Le moment est ancré dans les âmes qui tente de contenir la peur d'une mort frôlée. L'un d'entre eux conserve néanmoins ses esprits, scrutant un point bien moins envahi par les petites bêtes.

— Allez, lance-t-il, en observant la mine de ses compagnons, plaqués au sol.

« Préparez-vous à foncer à mon signal vers la droite... Nsenga ! Projette une lumière éblouissante pour les aveugler une seconde. Je vais m'occuper du reste... A mon signal, on file sans se retourner... Prêt ? »

— Vas-y ! ordonne Bordos, à la mini-seconde où les e-motios se jettent sur leur bout de terre.

La lumière produit un sursaut aux créatures qui se trouvent déstabilisées.

— Maintenant ! lance le meneur, en se levant d'un bond et se met à forcer sur lui.

Le groupe n'est pas suivi. Les e-motios se mettent à tourner en cercle comme pour chercher quelque chose. Une silhouette se détache de l'essaim en débandade. Le premier assaillant cherche des yeux ses proies.

— Accélérez... Je ne pourrai pas nous couvrir plus longtemps... précise l'explorateur.

Soudain, un cri aigu et strident perce les tympans. Le groupe n'en décélère pas moins.

— Qu'est-ce que c'est ? demande Eskiell, se retournant.

Les trois s'arrêtent à leur tour, tout en se retournant, le souffle suppliant.

— Ça y est, reprend Bordos, en se retournant à son tour, dos incliné.

« J'ai atteint ma limite d'invisibilité collective... Ils doivent nous avoir localisés... »

En effet, la horde d'excité vise leur position. Ils s'efforcent néanmoins à se dépêcher de reprendre haleine.

 Ils s'efforcent néanmoins à se dépêcher de reprendre haleine

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Ce Que Tes Émotions Leur FontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant