Chap XII : Bordos I (3/4)

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Pattes de velours et compagnie. Voilà comment je nomme mes coéquipiers du cercle des loups blancs. Un sourire parcourt mon visage. Allons ! Ce soir, tentons de profiter de ce moment. Cela me rappellera de beaux souvenirs, de mes missions en équipe. J'ai de la liqueur, alors, ne nous en privons pas.

La danse est une part de la culture Tundheris. Je me sens un peu plus en sueur, cependant. Combien d'années n'ai-je pas osé produire un mouvement aussi enjoué ?

Eskiell m'a l'air bien calme. La boisson rendrait ce beau parleur bien docile ? Ah mais, c'est un peu le penchant de Selfor. Je suppose qu'il est toujours éveillé. Alpha vient d'achever le soin du prêtre. Elle le fixe encore. Je distingue les lèvres de Nsenga se mouvoir.

Je me tourne vers la forêt. Il y fait nuit noire. J'ai bon espoir d'attirer l'attention des petites lucioles, pouvant m'offrir de la lumière. Je bondis de joie en les apercevant, dans un coin — enfin, non — Il ne s'agit pas de cela. C'est littéralement les plantes qui brillent, formant un passage à travers la broussaille agglutinée.

Je me méfie. Je sors mon poignard. La prudence est de mise. La Toile possède des plantes capables de capturer une bête en une fraction de seconde, de la paralyser avant de la tordre, tel un bout de biche sec. Je longe le sentier éclairé jusqu'à un petit étang.

Je m'y agenouille pour me désaltérer, sans attendre. L'eau est curieusement très douce et tiède. Je ne me prive pas pour m'y baigner après avoir vérifié qu'elle n'abrite pas de prédateurs. C'est un plaisir pour les sens, qui me répondent par un chevauchement de frisson, me portant un sourire aux lèvres.

Soudain, je crois percevoir quelque chose... un murmure, mêlé d'un chant que je considère contextuellement funèbre. Un crissement régulier semble se rapprocher. La peur me prend l'espace d'un instant. L'impression que le son lui-même se tient non loin de moi et qu'il s'apprête à me frôler dans la seconde.

Le son se coupe abruptement. Le silence s'impose. Je n'aime pas ça. Ma respiration devient saccadée, mon cœur tambourine de plus belle dans ma poitrine, mon sang se glace. Toutes ces réactions végétatives me révèlent mes craintes. Je me retourne pour me précipiter sur mon arme flanquée sur mes vêtements, au bord de l'étang.

Je tombe sur le visage d'une bête à la peau claire et argentée. Les deux éléments qui me saisissent sont cette peau pâle, d'un gris clair comme un caillou sur la plage, recevant inlassablement les avances de l'écume et ces iris d'un vert étincelant, tels des cristaux.

Je suis tétanisé. L'impression d'être mort sur place. Je frissonne de partout. Je me sens mourir. Je suis comme pris d'une envie soudaine de m'agenouiller. Ce regard froid tel une poupée, me transperce dans tout mon être.

Brusquement, un mouvement banal, mais prenant tout son sens, se dessine sur ses lèvres aux teintes violettes. Il sourit. Quelle sorte de créature est-ce ?

— Décidément, les humains peuvent être étonnant... prononce l'inconnu, sans me quitter des yeux.

Son sourire permanent ne forme pas de pli sur sa peau. Il a une face humaine : un nez plat, des yeux pointus, des sourcils presqu'absents, mais toutefois visibles ainsi qu'un front nu. Je remarque que sa nuque se prolonge, rendant sa tête macrocéphale et descendant sur son torse.

— Laisse-moi deviner... reprend-t-il, en conservant cet arc joyeux sur cette peau de bébé. C'est cela que tu cherches ?

Il me tend mon dessous et ma dague sans défigurer, d'un cil, son regard. En prenant mes affaires, je constate qu'il possède six doigts pointus, dont les ongles vont de connivence avec la couleur dominante.

Ce Que Tes Émotions Leur FontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant