Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (1/4)

51 15 140
                                    

Nous avons déjà dépassé la frontière du district de l'aube de la surprise et nous nous engouffrons, pas après pas, dans la forêt terne et presque morte du district du souffle de la peur. Les e-motios de cette partie de la forêt ne m'apparaissent pas encore. Ce n'est pas si alarmant vu qu'il m'a fallu effectuer quelques longs pas pour tomber sur les premiers spirituels. C'est bel et bien un trou perdu, ma foi.

Je suis entourée de feuilles flétries et grises, d'arbres gigantesques mais sévèrement striés et dépossédés de vie, desséchés et solitaires. Une présence mortuaire se dégage de ses plantes, comme animées par une sorte d'onde attirant tous ceux qui se rapprochent de ce territoire. Et pas un signe de vie sur tout le long, que se passe-t-il donc dans ce district ? Je ne m'attendais pas à avoir un accueil chaleureux, mais l'air que l'on y respire est empli de gaz nauséabond donnant froid à chaque passage du vent sur la peau. Même si je suis entraînée à résister à ce type de climat, il n'empêche, c'est tout de même désagréable.

— Nous sommes à présent dans le district du souffle de la peur et...
— Dis... osé-je interrompre, tout en analysant les petits plis sur les feuilles et les petites cavités creusées de façon rudimentaire. C'est normal qu'il n'y ait pas même un chevreuil dans ce district ? Tout à l'air d'avoir été purgé par une force inconnue.
— J'allais y venir justement. Le district du souffle de la peur est surtout un vaste champ de fleurs mortes, tout simplement parce que ces résidents ont... heu...
— Fini ta phrase, ont ?
— Eh bien, ils craignent tous les êtres pénétrant dans leur partie, mais aussi... Ils ont l'habitude de se cacher des leurs, même s'ils les connaissent du bout des doigts. Ils se cachent même d'eux-mêmes.
— Tu n'as pas l'air de plaisanter...
— Bien-sûr que non, mais ne te repose pas trop longtemps ici... car dès que la nuit tombe, les monstres marchent avec frénésie sur leur terre et ont la fâcheuse tendance de s'entretuer.
— Alors nous avons affaire à plus d'une centaine d'e-motios, on dirait.

Le ton que j'emploie se veut complètement à l'ouest. Je me penche pour examiner une plante que je viens à peine de remarquer et qui brille d'une couleur blanche. C'est tel un champignon de trois décimètres ayant la forme d'un cône renversé. C'est là que je m'étonne de constater que l'environnement où il évolue est fort appréciable. Je me redresse au premier cri de l'e-motio.

— Quoi ?! Qu'est-ce qu'il y a ?
— C'est un nemsis, un poison qui glace les cœurs.
— Qui glace les cœurs ?
— Oui, un nemsis est dangereux du fait qu'il glace la poitrine de tous ceux qui l'ingurgitent. En d'autres termes, les battements de ton cœur vont de moins en moins être réguliers, mais le plus effrayant est certainement la suite de la transformation. Ton corps — qui n'est plus alimenté en oxygène — s'effondre, c'est clair, mais cela attire les dévoreurs qui ne vont pas se gêner de te faire du mal.
— Continuons alors...

Nous reprenons notre marche. À chaque pas, je reconsidère chaque information qu'il m'a donnée et essaie de les hiérarchiser de manière cohérente. La première des choses est certainement de se rendre au district du flot de la tristesse pour questionner l'e-motio du souvenir. Mais pour ne point disparaître, il est préférable de se dépêcher d'atteindre un coin de cette forêt, pouvant me servir de terrain stratégique pour la nuit.

— Dans cette partie de la Toile, les états émotionnels sont pour le moins troublés. Et cela indépendamment de la volonté de ces résidents.
— Explique-toi !
— Eh bien, les e-motios dévoreurs évolués dans cette partie connaissent des épisodes émotionnels très virulents ce qui les rend extrêmement instables. À cause de ces instants de malaise, dû à l'information entrant, les e-motios sont sujets à des humeurs comme une appréhension poussant à toujours réfléchir avant n'importe quelle action et à choisir l'option de réserve. Ils ont du mal à changer leur façon de percevoir ce monde. Je ne suis pas très étonné de constater qu'ils ne daignent même pas pointer le bout de leur nez.

Ce Que Tes Émotions Leur FontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant