Je n'en crois pas mes yeux, en l'apercevant. Je constate le même étonnement dans son regard. Je me presse de contourner l'étang. Je peux le voir agir de même. Nous y sommes presqu'au milieu lorsque je lève la main en signe de salutation.
— Alors, ça ! prononce le prêtre, encore perturbé, ciel, c'est bien vous ?
— Nsenga ! Je...Alors que je m'apprête à lui demander comment a-t-il traversé cette épreuve dans ce district bien bestial, nos iris respectifs sont attirés par le museau de l'e-motio d'élégance, pointant vers l'autre rive de l'étang. Nous distinguons un tvarak, tel un cerf. Sa taille, deux fois plus importante, impose le respect tandis que ces yeux semblent percer les tréfonds de notre âme.
Nous ne nous attardons pas plus sur l'animal, comprenant qu'il nous intime l'ordre de le suivre. Nous contournons à nouveau l'étang, nous dirigeant dans sa direction. Le détenteur de la kerha ne se fait pas prier pour engager la conversation :
— Et donc, débute-t-il, balbutiant presque, vous êtes seule survivante ?
— À vous je peux le dire, prononcé-je, en maintenant mon regard sur le tvarak nous montrant la voie.Tout autour de nous, la vie semble prendre essor et prodigue pour la première fois depuis mon arrivée, une lumière et une chaleur que je croyais avoir oublié. Les lucioles sont par dizaine de milliers. Tout s'éclaircit autour de nous. Nous ne marquons que quelque pas pour respirer le vrai parfum de l'exceptionnel, car, oui, j'étais presque certain que l'odeur suave et pestiférée du territoire ne s'en irait jamais. Nous pouvons observer des e-motios classiques sortir de terre, à vue d'œil et nous lancer des visages curieux comme s'ils ne s'attendaient pas à avoir de la visite un jour.
La morphologie de leur crâne me rappelle non sans gêne, celle des classiques de mon enfance, lors du spectacle d'Achlys. Immédiatement, je suis rappelée à l'ordre. Je suis ici pour une seule raison et je ne peux que placer un pied devant l'autre sans regretter ce que je laisse derrière moi.
Cruel, me direz-vous ? Je ne connais pas ce mot. Il m'arrive parfois de me demander si avoir de l'empathie pour des créatures si bruyantes, humain compris, a un sens. Où que j'aille et quoi que je fasse, je me découvre la même philosophie : tout ce qui compte ici-bas, c'est moi et seulement moi. Si mon entourage ne peut demeurer calme et équilibré, alors je me dois de le ramener à l'ordre pour « mon propre intérêt. »
— Je ne m'excuse pas auprès de vous, mon père. J'ai délibérément pris la décision de déserter et de ne pas me retourner... un e-motio... en proie à une automutilation se préparait à mourir. J'ai fait mon choix en prenant en considération la désagréable sensation qui planait sur notre groupe.
— Je comprends votre attitude. Dans un premier temps, il m'a été difficile de croire à un tel acte de votre part... puis, j'ai relativisé. Vous n'aviez pas le choix. Mais, vous comprendrez que ça fait toujours très mal, n'est-ce pas ?
— Ne vous faîtes pas d'idée, mon père. Je crois que la lumière a voulu que vous restiez en vie pour que vous puissiez accomplir la tâche qui vous est dévolue. Et étant encore plus égoïste que vous ne le croyez, je profite de cet instant pour être sincère avec vous. Je sais que le secret restera bien gardé à vos côtés.Le prêtre fronce les sourcils :
— Je suis ému de constater une telle confiance en ma misérable personne, Alpha.
— Misérable ? Ne vous attardez pas sur les mots. Vous avez survécu et pas eux, cela fait de vous un homme fort.
— Que voulez-vous dire ? interroge Nsenga, littéralement confus.Je tourne mon visage froid et indifférent sur le sien, empli de question.
— Mon père, j'ai assisté à votre combat contre ses dévoreurs. Jusqu'à la toute fin, j'ai vu nos camarades se faire abattre les uns après les autres.
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Ce Que Tes Émotions Leur Font
Fantasía« Tu ris, tu pleures, tu cries, tu te caches... Oui, tes états d'âmes te définissent aux yeux des autres. Tes émotions traversent le temps et atterrissent dans le sang et la chair des e-motios. C'est grâce à cela que je sais que tu as mal ou que tu...