Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (5/5)

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Avant de perdre connaissance et finir dans un nouveau canal, je me concentre rapidement. Il y a une frontière infime et invisible qui sépare les canaux d'émotion. Cela ressemble à un voile fumant indistinct, comme être d'un coup, frappée de cécité. Un aventurier ne peut pas contrôler le flux migratoire le poussant à se déplacer, mais il peut capter l'énergie de l'e-motio coincée quelque part entre deux mondes.

Lors d'un déplacement aussi titanesque que celui-ci, les mondes se chevauchent et il est donc possible, avec une forte concentration, de retrouver le fil conducteur de l'émotion.

Je cligne des paupières tandis que je m'effrite complètement. Je rouvre les yeux. Je vois l'armure bête et sa lance, foncer vers moi, avec rage. Il incline son crâne pour rendre l'impact plus fatal.

À la seconde, je me rappelle des deux autres — que j'aperçois fort heureusement à temps — s'élançant vers moi. Je ne perds plus une minute de plus et sors mon arc. Je n'ai pas le temps d'imaginer quoi que ce soit que la pointe crânienne me frôle le bras droit.

Profitant de l'attaque à l'aveugle du dévoreur, je pivote sur place, de sorte d'éviter la percée et de tenter de le blesser avec mon arc sur son dos plié. Rien à faire, il est aussi solide qu'un diamant. Je ne tente pas de comprendre le phénomène et m'élance sur l'e-motio rose, en levant ma jambe gauche. Soudain, elle me rattrape au vol, en étendant son bras gauche élastique pour me sectionner le mollet. Son visage est marqué de sillon comme s'il y avait une fente à chaque recoin. On croirait avoir affaire à une bouilloire écrasée, de sorte qu'elle sert dorénavant de bol lambda. Je lui décoche deux flèches qui ont vite fait de le calmer.

Je tombe dans l'herbe s'apparentant à du foin. Je me relève de suite. Faute de temps pour me tenir bien droite et viser le prochain. Ce dernier bondit comme un lion, saute la carcasse du rose blessée et ancre ses crocs dans mon bras gauche. Il ne s'arrete pas et commence une vraie course, me trainant telle une gazelle morte.

Par instinct, je lance des coups de poings désespérés contre sa cage thoracique. L'animal resserre sa pression sur mon membre, me forçant à hurler à la fin. Le sang me monte au cerveau, je fais fi de la douleur ainsi que de ma sévère traînée sur le sol, me déchirant plus qu'autre chose et me concentre pour lui octroyer un énième coup de poing, contenant mon ressenti. Ne vise plus pour l'arrêter Alpha, me suis-je dit, mais pour l'abattre. L'impact l'a fait dévier de sa trajectoire.

Je percute une branche, ce qui me déstabilise une quinzaine de seconde. Je redresse néanmoins la tête sous les oscillations accélérées et lui assène un deuxième coup, suivi d'un troisième, dont je n'ose plus en revenir et m'agrippe à son pelage. Avec un peu plus d'effort, je lève ma jambe droite et de ma botte, enclenche le système libérant mon couteau disséminé sous.

L'animal comme sentant la menace, se rapproche d'une ombre que je devine être celle d'un arbre et me plaque contre en un coup qui me force à lâcher un deuxième cri de douleur. Mais celle-ci, est la dernière que je lui accorde. Je n'ai pas lâché prise et mon pied levé, sentant qu'il s'approche d'un autre arbre, je pénètre sa chair d'un seul mouvement. L'animal hurle à en perdre la tête.

Il ne tombe cependant pas — la créature s'entête — Elle me rapproche d'un autre arbre ce qui me porte une autre douleur, dont cette fois-ci, je ravale en la supportant, me concentrant sur mon pied salvateur. D'un second mouvement, je déchire la chair de la bête, lui ouvrant ainsi la cuisse. Et tandis que du sang rouge jaillit telle une source, l'e-motio pousse un jappement déchirant l'air. Son corps entier s'effondre sur l'herbe vite colorée de son sang.

Je suis à terre, à quelques pas du dévoreur. Je hurle les paupières frénétiquement closes, essayant d'avaler toute la douleur m'avilissant. Le choc qui a suivi notre séparation n'a pas son pareil. Non, pas du tout. La douleur est partout. Pendant un laps de temps, je suis perdue. Je ne crois pas pouvoir me relever. Le ciel défile sous mes yeux. Et cette poussière, quel calvaire. J'en ai plein le visage et les lèvres. J'en ai mal aux poumons. Mon bras gauche a été gravement endommagé. Les traces des deux canines ayant pénétré la chair et de la brusque libération sont à vue d'œil tandis que le sang se presse de s'en échapper, comme une fontaine.

Ce Que Tes Émotions Leur FontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant