Je ne suis pas dans mon meilleur jour, on dirait. J'ai beau avoir plus d'information, je ne suis pas satisfaite. Je me sens comme esseulée. J'ai eu droit à une mise en garde assez claire. Je suis vite rattrapée par Mentio.
— Qu'est-ce que l'on fait maintenant ? me demande mon compagnon.
— Nous nous dirigeons vers le district de la hache de la colère. C'est le chemin le plus approprié pour obtenir plus d'informations.Soudain, un déclic. Une nouvelle vision me traverse. Je suis le cheminement des images jusqu'à atteindre l'homme en question. Il marche sans s'arrêter. Il est dans la rue sous la pluie. Il n'a pas de parapluie. Il continue sa marche. Il ne regarde pas les passants autour de lui. Brusquement, il s'arrête et contemple les escaliers menant vers une autre ruelle. Il prend la route où une foule nombreuse s'agglutine.
Là, il se presse de trouver un coin tranquille à lui. Il y a une centaine de route menant vers le seul point lui donnant un point de jonction afin d'obtenir un meilleur aperçu de toute l'avenue. C'est là qu'il aperçoit une femme. Elle se trouve à cinq mètres de lui. Une femme fort belle. Il tente de toujours se contrôler, mais cela est plus fort que lui. Il la contemple.
Elle se met à partir vers le centre de la ville. Je tente de la suivre de mes prunelles. Je me rends compte que l'homme s'élance vers elle. Il la suit depuis un moment. Il est pressé dans sa marche. Il a les mains cachées sous sa jaquette. Il veut certainement lui parler, mais n'en a pas le courage. Il change subitement de route. C'est dans ce point de vue, que je devine les intentions du voyageur.
Je me risque à l'appeler. Et alors que je m'aperçois ne point connaître son nom, un souvenir me revient. Je revois son attitude. Et c'est là que la réponse m'apparaît brusquement : c'est le titulaire de l'émotion de l'e-motio de l'envie. Il m'invite clairement à être témoin de ses actions. Ou est-ce moi qui n'arrive pas à y voir une raison évidente de la victoire.
« Je ne suis pas contre toi »
Cette pensée me foudroie. Il serait possible que cet humain soit entrain de la poursuivre telle une proie. Ses manières le laissent paraître. Je ne pense qu'à un moyen de le résonner avant l'inéluctable.
Je le suis des yeux. Il prend une allée emplie de vieilles voitures d'occasion. Sa démarche est bien calculée. Il respire doucement et régulièrement. Il a besoin de trouver la réponse. Il cherche dans la mesure à finaliser le tout.
Je l'observe toujours. Il se rapproche. Il est solide. Son pas se veut bien plus pressé. Il fonce vers elle. La femme finit par s'arrêter. Elle a le dos incliné. Elle vérifie l'heure sur sa montre. Que faire ? Il marche sans vraiment le vouloir, à présent. Va-t-il le faire ? — Oui — Il s'est décidé.
C'est sa chance. Il fait sortir un couteau suédois et s'avance à grand pas. Il s'apprête à lever la main, lorsqu'un homme en costume aborde la femme. Mon prédateur reprend sa marche en prenant la ruelle juste à sa droite. La tête tantôt penchée, tantôt fixant tout le monde. Je le sens comme dévoré par la douleur. Il aurait désiré le réaliser. Cela se perçoit. Il prend une nouvelle pour rentrer chez lui.
Il rentre dans un bâtiment blanc. Il prend l'ascenseur menant au trente-deux. Il ouvre la porte de chez lui et ferme doucement l'entrée. Son regard est dur. Il aurait voulu le faire. Mais ce n'était pas le bon jour. Je prends alors la décision de commencer à lui parler malgré le fait que je ne puisse me lier à son canal d'émotion.
— Tu as bien failli commettre une gaffe...
Il lève la tête, cherche de partout d'où peut provenir cette voix.
— Inutile, je ne suis pas dans la pièce... Et... Il n'y a pas de caméras ou de micro chez toi, sois sans crainte.
Alors que j'achève cette phrase, je le vois baisser le coussin de son fauteuil gris où niche encore un paquet de chips entamé. Il se retourne et file droit vers sa chambre. Il l'ouvre avec violence, s'empresse d'allumer — rien — Il vérifie derrière sa porte, dans la commode, sous son lit — rien — Et pourtant, il s'affole et se précipite dans sa salle de bain, le teint blafard, mais les yeux lançant des éclairs. Il s'arrête un instant. Il se plaque contre le mur et tombe sur le parterre en carreau noir et blanc. Il soupire tout en fermant un moment les paupières, visiblement éreinté.
— Si tu me l'avais posé, je te l'aurais dit... Il n'y a que toi qui peux m'entendre.
— Qui es-tu ? dit-il, d'une voix cassée.Je me donne quelques secondes avant de continuer :
— Je suis Alpha... J'ai pour mission de veiller sur toi...
Il se met à sourire avant de rire, l'espace d'un instant. Il plaque sa tête contre le bas de la porte et me répond sans attendre :
— Vous ne trouvez pas qu'il est un peu tard, non, pour le faire ?
— Il n'est jamais trop tard pour faire le bon choix.
— S'il vous plaît, qui que vous soyez... laissez-moi tranquille. J'ai besoin de repos... ma journée n'a pas été...
— Je ne suis pas là pour te servir de psychiatre ou de juge...
— Ah bon ? Et t'es là pour quoi alors ? Tu vas me dire que je suis une personne bien, je n'ai qu'à m'accrocher... faire disparaître tout cela et tout ira pour le mieux... ?
— Oui... seulement, tu le mangeras à ma sauce. Tout à l'heure, t'as failli le faire... Et ne mens pas, on sait tous ce qui s'est passé...
— Oui... Je ne le nierais pas... Et quoi ? Tu vas m'arrêter, on sait tous les deux qu'une conscience, c'est juste bon pour vous tenir en laisse. Vous avez juste besoin de vous aimer, mais la société lui a bourré tout plein de précepte à la con, si bien qu'il ne sait plus quoi me dire pour me sentir bien.
— Et donc, dis-moi ! Si tu te décidais de le dire sur la grande place, penses-tu que cela changerait quoi que ce soit ?
— Sur la grande place ? Il n'y a pas l'ombre d'un doute. T'es pas dans le coin. J'ignore à quoi tu ressembles, mais j'imagine bien ta vie... Assise dans une grande maison, couverte de l'amour de tes parents jusqu'à ta majorité... Il t'est arrivée de faire les rebelles et de t'en tirer en te disant que t'avais l'âge de te gérer toute seule comme une grande, pas vrai ? Mais dans le fond, quoi que tu dises, tu as toujours bénéficié de leur soutien et de leur argent, quoi qu'il arrive.
— Tu es bien bavard, ça m'arrange...
— Ça t'amuse, n'est-ce pas ? T'es comme tout le monde. Vous vous faites les protecteurs de la sagesse, les donateurs de conseils sacrés. Mais quand des gens crèvent de faim à cinq pâtés de chez vous, le savez-vous ? Tu sais quoi ? En fait, en ce moment, tu ne m'écoutes même pas. Tu prépares ton prochain sermon pour mieux me bourrer de ta salade au respect pour me faire rentrer dans le rang.
— C'est mieux, pas vrai...Il sourit en se passant une main sur le visage en sueur, mêlé des gouttes d'eau de la pluie battante à l'extérieur.
— Tu vois ce que je disais, tu ne me prête pas attention. Tout ce que tu veux, c'est le contrôle de mes pensées. Tu ne penses qu'à...
— Maintenant tu te lèves. T'as assez joué les plaintifs. Tu as faim... Va dans ta cuisine. Prépare-toi un petit quelque chose, nous discuterons à nouveau...
— Mais putain, t'es qui ?
— Je te l'ai déjà dit... appelle-moi Alpha...J'arrête de lui parler. L'essentiel est qu'il ne l'a pas fait et que j'ai pu établir le contact. Je me tourne vers ma droite pensant y voir Mentio, mais il n'en est rien. Je sillonne les alentours et pas de trace de sa présence.
Je me mets à scander son nom, sans résultat. Je le cherche. Je ne suis pas aussi sûre que tout à l'heure. Où peut-il bien être ? Il me faut d'abord réfléchir un instant. La frontière du prochain district est juste devant moi.
Deux énormes plantes rouges et jaunes protègent nous séparent. J'ai le choix entre continuer à le chercher ou me lancer dans la prochaine aventure. Que dois-je faire ?
Je me décide à me rendre dans le territoire suivant. Il me contactera de là-bas.
Mais je me demande toujours ce qui se passe dans cette forêt ? Et ses actes sont des plus suspects. Je ne peux pas accepter de continuer avec lui. Si je le vois, je devrai peut-être... Et s'il s'agissait d'un espion ou d'un dévoreur, maquillé en... Je dois avoir plus d'imagination.
Me voilà pénétrant dans le district de la hache de la colère.
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Ce Que Tes Émotions Leur Font
Fantastik« Tu ris, tu pleures, tu cries, tu te caches... Oui, tes états d'âmes te définissent aux yeux des autres. Tes émotions traversent le temps et atterrissent dans le sang et la chair des e-motios. C'est grâce à cela que je sais que tu as mal ou que tu...