« Tu ris, tu pleures, tu cries, tu te caches... Oui, tes états d'âmes te définissent aux yeux des autres. Tes émotions traversent le temps et atterrissent dans le sang et la chair des e-motios.
C'est grâce à cela que je sais que tu as mal ou que tu...
Le pouvoir de changer sa position est un levier que tous voudraient détenir en cet instant. La vague se veut écrasante, rendant ses petits êtres complètement en effervescence.
- Surtout, ne vous arrêtez pas... lâche Bordos tout en essayant de retrouver un semblant d'énergie.
Aucun d'entre eux n'est prêt à continuer immédiatement. Aussitôt que les paroles du chef sorte de sa bouche, le groupe assiste au positionnement du prêtre, levant la main droite, attirant un objet lumineux sur le flanc ennemi.
Les e-motios sont déjà à quelques mètres lorsqu'une lumière rougeoyante dévore l'espace entourant Nsenga en un cercle. Une aura accompagnée d'un craquement de bois calciné s'ensuit. Le détenteur de sagesse est au milieu. Le pan de son manteau gris virevolte dans tous les sens.
- Qu'est-ce que... s'étonne Eskiell, levant sa main gauche pour se protéger des rayons lumineux. - Éloignez-vous, je vais les repousser... ordonne le défenseur sans se retourner. - Tu crois pouvoir... ? interroge Selfor, tenant son arme, prêt à le rejoindre - Je suis le guide... Si je dois périr, ce sera en ayant protégé une âme en plus. - T'essaye de faire le héros ? demande l'aventurier. - Dieu soit avec vous... coupe Nsenga, en amplifiant son intensité.
En une quinzaine de secondes, des particules volent en éclat, la matière sous ses pieds rougeoie à vue d'œil - C'est prodigieux - Les branches et les troncs sont grillés littéralement. L'air s'emplit d'une épaisse fumée grise et noire teintée d'un orange au bout.
Le reste du groupe continue sa route vers la pente.
- Quel est ce pouvoir ? s'écrie Eskiell, tout en fonçant comme les autres. - C'est la kerha... Le pouvoir de l'esprit et des astres... répond Bordos.
« Les prêtres de la kerha entraînent leur âme à transcender les limites du métaphysique jusqu'à devenir des étoiles. C'est ainsi que l'énergie, sous-forme de chaleur, se manifeste... à vrai dire, de nous tous, c'est lui qui possède le plus d'énergie. »
- La déchéance d'une âme... prononce Nsenga, les yeux brillants tels des soleils.
Il pousse brusquement un cri. Une douleur due à la très rapide libération de l'énergie spirituelle. Il s'incline en angle aigu.
La bête humanoïde s'élance et tente de pénétrer dans le cercle en poussant sur ses deux bras virant au noir profond, d'où l'on voit s'arracher la peau entière située à cet endroit.
La créature lâche un farouche grognement lui conférant manifestement une force titanesque.
Nsenga a encore le dos plié. Cela ne saurait durer. Le prêtre se reprend. L'humanoïde s'est frayé un chemin. Il fonce vers sa cible. Il lève la jambe droite qui subit déjà une corrosion sévère comme le reste du corps.
Le coup rabat les bras du défenseur formant un x. Le poids l'oblige à fléchir ses genoux. La lumière décline. Cela ne change pourtant rien à la situation des petites bêtes qui grillent au moindre contact avec l'aura rougeoyante.
Des bouts de cendres virevoltent dans le ciel et apportent à chaque parcelle de l'atmosphère une fine couche de gaz. Les e-motios sont en mouvement, cependant. Ils contournent déjà le cercle et veulent se diriger vers le reste de l'équipe en fuite.
- La déchéance d'une âme... se veut limpide... lorsque l'ennemi se trouve en son propre sein...
Ces paroles sortant de la bouche de Nsenga firent bouger de peu la tête cauchemardesque de l'assaillant, victime des premières vagues de chaleur détruisant son acajou. La seconde qui suit, les lèvres du prêtre se serrent fortement avant de se détacher en lâchant une expiration profonde.
- Mais elle devient déchéance du mal... lorsqu'elle se veut invulnérable face à l'adversaire... Kerha Maitreya !
Aussitôt, l'intensité lumineuse double. Le cercle s'allonge subitement, pulvérisant tout sur son sillage. Un grondement lourd, suivi d'un fracas saisissant tout le plateau, a raison de la stabilité topographique.
On vit déferler du plateau au-dessus, un éboulement de terre s'amenant avec des arbres et des racines arrachées.
- Nom de Dieu ! s'écrie Bordos.
« Tout le monde, à couvert, maintenant ! »
L'éboulement s'arrête soudainement en cours de route. Le groupe est en stop devant la scène. Bordos se retourne pour constater ce qu'il en est de la situation de leur compagnon.
Ce qui aurait pu servir de scène pour un accident naturel, se détache pour présenter une forme singulière. Tout le plateau est surplombé de terre, engloutissant la majeure partie des cimes encore visibles et dont certains arbres, plus résistants sortent une moitié d'un tronc légèrement penché.
Bordos s'essouffle. Il a tout donné dans cette course effrénée. Il pivote sa face vers les deux autres survivants. Eskiell, debout, se met à se poser de sérieuses questions concernant sa mise en action. Selfor, se relève d'une chute contre un arbre, dont les lianes l'ont déséquilibré.
- Il l'a fait... déclare le meneur, levant son buste.
« Il nous a sauvé... Il a sacrifié sa vie pour nous... »
Il tente de scinder les pensées de son ami sous son masque. À croire qu'il ne s'étouffe pas là-dedans. Bordos reprend quelques couleurs avant d'introduire la suite de son discours :
- Nous devons continuer pour lui et... - Impossible !... lance l'aventurier, la voix cassée.
Bordos cesse de gesticuler. Il se crispe avant de retrouver courage pour se retourner lentement. Au-dessus de la colline de sable et de terre noire, une silhouette. C'est le même crâne monstrueux. Mais pas la même créature.
Elle est plus courte. Ces traits sont tirés. Il possède un nez crochu, deux yeux violets clairs illuminant le sommet, des joues pâteuses et un ventre bombé de surcroît.
Curieusement, il ne bouge pas et se contente de rapprocher ses mains, en prenant l'expression de quelqu'un qui cherche une anomalie sur ses doigts blancs, au même titre que le reste de son corps. Il jette soudain un regard vers les trois points qu'il aperçoit. D'un claquement de doigt, le silence emplit la forêt.
Le souffle des membres est seul insolent dans cette aire dévastée. Les visages ne se croisent plus, subjugués par ce moment, en attente d'une nouvelle massue digne des juges infernaux.
Le doigt du nouveau personnage a suffi pour jeter un froid sur toutes les idées, généralement bien coordonnées dans le cerveau de l'aventurier. Un fort désir de hurler à la fuite lui gratte la gorge. Pourtant, il n'ose pas, espérant que ce ne soit que son imagination.
À la minute même, apparaît une suite de tête pointant au sommet. Une horde de créature pourvue de bouts de lame ancrés dans leur peau.
- Par la lame de Devada... jure Eskiell, avant de lâcher la suite de sa pensée.
« On fout le camp maintenant... »
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