Chapitre 41 :

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L'amitié naît lorsqu'on a pour l'autre une estime supérieure à celle qu'on a pour soi-même.

Deux semaines passèrent, je passais énormément de temps en solitaire, essayant de démêler tout ce qu'il se trouvait dans ma tête. Je n'arrivais pas à savoir quoi penser de tout ça, je n'arrivais pas à comprendre. J'essayais de passer au moins trois soirs par semaine chez ma mère, c'était peut-être un peu tard, mais nous pouvions toujours essayer de surmonter cela ensemble. Le fait de devoir me le cacher n'avait pas aidé ma mère à se faire à cette idée. Son mari qui l'abandonne, demande le divorce, avant de découvrir qu'il a tué deux personnes - volontairement ou non - et qu'il va passer dix ans en prison. Je me demandais si je devais aller le voir, c'était le seul à pouvoir répondre à mes questions et en même temps c'était une des dernières personnes à qui je voulais parler sur cette planète. La dernière personne en fait. Une autre question s'imposait dans mon esprit : Comment est-ce que cela allait se passer lorsqu'il sortirait ? Voudrait-il reprendre contact avec ma mère et moi ? Voudrait-il réintégrer la famille ? Reprendre un nouveau départ ? Ou bien nous fuirait-il ? Partirait-il loin de nous sans nous donner de nouvelles pour de vrai cette fois ? Mon père redeviendrait-il un fantôme dans ma vie ? Je ne savais même pas ce que je préférerais, quelle était la pire option. Effacer ces dernières années de ma vie, essayer de pardonner mon père pour ses erreurs ou bien continuer à vivre comme avant, essayant d'ignorer le fait que mon père soit quelque part dans la nature et que je ne saurais jamais où ? J'avais au moins besoin de clore ce chapitre, j'avais besoin d'une réponse à toutes mes questions. Il fallait que je le voie. Ma mère me soutiendrait dans cette idée, et puis, cela ne m'engageait à rien, j'irais lui rendre visite, lui poserais mes questions et déciderais ou non si je voulais le revoir. Il ne pourrait pas me forcer à revenir lui parler de toute façon, enfin du moment qu'il était derrière les barreaux. Mais aurais-je le courage de faire face à mon père après toutes ces révélations ? On ne pouvait pas vraiment dire que tout cela l'avait fait remonter dans mon estime. J'étais encore plus perturbée qu'avant et je n'aurais honnêtement jamais cru cela possible. Ce soir-là, je parlerais de ma décision à ma mère et le lendemain, j'en parlerais à mes amis. J'avais besoin de leurs conseils, de leurs paroles de réconfort. Pourtant, je n'avais jamais été comme ça, je n'avais pas besoin des autres pour m'épauler dans une décision. Mais celle-ci était importante, surtout que pour cela, je devrais retourner au Nebraska. Cela paraissait si loin et en même temps, j'étais prête à faire le trajet. J'avais besoin que l'on me rassure, que l'on me dise que j'avais fait le bon choix. Ou peut-être me diraient-ils que je ne devrais pas approcher mon père, qu'il ne ferait que me nuire encore plus et alors, peut-être, les écouterais-je et ils m'empêcheraient de faire quelque chose de stupide.

Je me levai soudainement de mon lit, je ne voulais plus penser à ça pendant quelques instants même si je savais que le moindre mot de mes amis me ramèneraient à ce sujet. Je trouverais un lien partout. Je descendis au salon et retrouvai Aloïs et Charlie sur le canapé, en train de jouer à la console pour changer. Néanmoins, je ne connaissais pas de meilleur moyen pour me changer les idées, alors que leur demandai si je pouvais m'incruster dans leur prochaine partie. Ils acceptèrent et on joua trois parties de Mario Kart avant que Bastien et Emily nous rejoignent. On éteignit alors l'appareil et on se mit à discuter. Ils avaient repris les cours, mais Bastien nous avoua avoir du mal à tout suivre, pareil pour Aloïs, je leur proposai alors mon aider qu'ils acceptèrent avec plaisir. J'avais raté bien moins de cours qu'eux et je pouvais bien les aider à rattraper leur retard. Je leur devais bien ça.

J'annonçai ensuite que je me rendais chez ma mère et ils me souhaitèrent une bonne soirée. Charlie me rejoignit au dernier moment, disant devoir faire une course et me proposa de m'amener. J'acceptai avec plaisir parce que j'habitais tout de même loin. Le trajet se passa rapidement, ce qui était bien avec Charlie, c'était qu'il n'était jamais à courir de conversation et il avait la délicatesse de ne jamais aborder un sujet sensible.. Il faisait toujours attention à ce qu'il disait et les seuls fois où je l'avais réellement vu s'énerver, c'était contre Maël. Et il faut dire que généralement, il le méritait. Ma relation avec lui avait changé, certes je ne le détestais plus autant qu'avant mais il faut dire que son côté je-connais-tout-sur-toi me mettait toujours en rogne. Heureusement qu'il savait garder pour lui ses découvertes, sinon je peux te dire que tous les élèves du lycée verraient leur pire secret révélé à la terre entière. Maël et moi, on ne se parlait pas beaucoup seul à seul. On interagissait dans les mêmes discussions de groupe, mais depuis leur retour, nous n'avions pas eu une discussion entre quatre yeux, sans compter l'épisode de la voiture. Et il faut dire que "l'événement baiser" nous avait fait prendre des distances. Ce n'était rien, mais cela ne devait pas se reproduire. Je ne vais pas mentir en disant que je n'avais rien ressenti, il y avait quand même une certaine attirance entre nous, mais elle devait sûrement être due à l'adrénaline de leur mission et de nos secrets dévoilés sur la table. Désormais, je savais que je ne ressentais rien de plus que de l'amitié pour lui. Enfin, non, pas vraiment de l'amitié. Je savais que je pouvais compter sur lui, mais étions-nous vraiment amis ? Je ne savais pas si je pourrais être un jour amie avec lui, notre relation était trop étrange et j'avais déjà un autre homme dans ma vie qui nécessitait réflexion au point de me filer des migraines. Charlie finit par se garer devant chez ma mère, je le remerciai et toquai à la porte. Ma mère m'ouvrit, le téléphone à l'oreille, me sourit et me fit signe avec ses doigts d'attendre deux secondes. Je partis à la cuisine pour voir si elle avait préparé quelque chose, mais je ne pouvais pas espérer un tel changement, n'est-ce pas ? J'avais décidé de pardonner à ma mère, elle avait déjà beaucoup enduré et n'avait pas besoin d'être en froid avec sa fille. Je ne pourrais jamais oublier sa période sombre, mais je l'excusais. Elle restait très occupée pour son travail, néanmoins elle avait décidé de me libérer trois soirs par semaine. La prochaine étape, c'était de la convaincre de prendre soin d'elle. Je voulais lui montrer ce que ça faisait de se sentir aimée, soutenue, comme mes amis l'avaient fait pour moi. Ils m'avaient aidée à remonter la pente et je savais que maintenant, c'était à moi de finir le travail toute seule. Il était temps de cicatriser et cela commencerait pas la visite à mon père. J'en parlais à ma mère qui approuva, avec certes un peu d'appréhension, et me proposa de m'accompagner pendant ma visite. Elle m'avait dit précédemment qu'elle ne comptait pas le revoir, mais peut-être était-il temps de cicatriser pour elle aussi. Je lui laissai le choix, elle viendrait si elle le voulait, sinon je me débrouillerais très bien. 

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