Chapitre 55 :

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Chaque difficulté rencontrée doit être l'occasion d'un nouveau progrès. 

Pierre de Coubertin

Pendant une semaine, je suivis les cours d'Isaac. Je progressais à une vitesse folle et il me garantissait que je pourrais bientôt suivre son autre cours. Mon téléphone était toujours sur ma table de nuit, éteint. Mes amis avaient compris que je devais avoir un certain temps en face à face avec moi-même et qu'ils ne devaient pas trop s'inquiéter. Sauf Maël. Je savais que si je rallumais mon téléphone, j'aurais une vingtaine d'appels manqués de sa part. Ce n'était pas forcément très sympa de ne lui donner aucune nouvelle, mais il devait aussi être capable de comprendre que j'avais besoin de cette solitude. De toute manière, elle ne pourrait durer bien longtemps, il faudrait bien que je rentre prochainement. 

Ce jour-là, je tentai à nouveau de prendre un pain au chocolat pour déjeuner et je réussis à manger la moitié. J'étais fière de moi. Sur le chemin pour me rendre au Skatepark, je croisai à nouveau Clyde, au même endroit que la dernière fois. Je lui adressai un petit signe de la tête et passai droit devant lui. 

— Alex, attends ! s'exclama-t-il. 

Il était apparemment ici pour moi... Cela n'avait jamais été dans mes plans de le recroiser, mais cela ne me dérangeait pas. Tant qu'il ne prenait pas trop de temps, Isaac m'avait promis de me présenter à quelqu'un aujourd'hui. 

— J'espérais te croiser en venant par ici, tu as emménagé à nouveau ici ? 

— Non, je suis juste là le temps de régler quelques problèmes. 

— Jeremy en était un ? 

— Oui, répondis-je. 

En vérité, de base, non. Je pensais juste rendre visite à mon père et repartir. Sauf que je ne m'attendais pas à avoir en face de moi un père changé, me convaincant de reprendre ma passion. Je ne m'attendais pas non plus à tomber sur Clyde, cela avait été un hasard. Néanmoins, au fond de moi, je savais que j'étais aussi revenue dans l'espoir de pouvoir oublier Jeremy. Je savais que j'aurais besoin d'affronter tous mes fantômes du passé avant de pouvoir repartir. 

— Je voulais juste te dire que j'ai décidé de le dire aux parents de Jeremy. Ils avaient le droit de savoir que leur fils avait volontairement attenté sa vie. Et la tienne. Ils t'en veulent encore, mais cela passera avec le temps. 

J'hochai la tête. De toute manière, la famille de Jeremy ne m'avait jamais aimée. Je n'étais pas assez bien pour leur fils et pour eux, le fait qu'il ait, malgré notre soi-disant amour, décidé de partir en était la preuve. 

— Et aussi, je voulais te remercier. Te remercier d'avoir tout pris sur toi. Je n'aurais pas dû t'accuser, surtout que je connaissais Jeremy tout autant que toi. Il me faisait des crises à moi aussi, tu sais. Je ne comprenais jamais pourquoi. Mais c'était tellement plus simple de trouver quelqu'un sur qui défouler ma douleur. 

— Je comprends. Moi aussi, je voulais te dire quelque chose : même si Jeremy ne s'était pas suicidé, et que l'on aurait juste eu un accident, ce n'aurait pas été ma faute. Et j'espère sincèrement que tu arriveras à te pardonner d'avoir rejeté la faute sur une innocente, sur une victime même. 

— Je ne pourrais jamais me pardonner, mais toi pourras-tu me pardonner ? 

— Je ne sais pas. Au revoir Clyde, je pense que l'on n'a plus rien à se dire. 

Il hocha la tête, même si lui pensait le contraire. En vérité, moi aussi je savais que l'on avait plein de choses à se dire, à partager sur Jeremy. Je pourrais l'aider, soulager sa peine. Mais cette fois, je devais me montrer égoïste, je ne serais pas capable de porter la tristesse de quelqu'un d'autre. 

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