"Ce ne sont que des lettres"

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Ce n'est que mon troisième jour chez Rosie et ma messagerie est déjà saturée suite aux appels de ma mère. Avec du recul, je comprends qu'elle puisse s'inquiéter à ce point. Après tout elle ne sait même pas ce qui m'a mise dans cet état, ce qui a bien pu me pousser à fuir de la sorte. Mais... je ne peux pas lui expliquer. Du moins pas les vraies raisons.

-Je vais rentrer chez moi, merci de m'avoir accueillie quelque jours, ça m'a fait du bien.

-Tu as raison, même si c'est compliqué pour toi tu ne peux pas fuir toute ta vie. Mais saches que si l'affronter est trop dur, alors tu peux venir ici quand tu veux, ma porte te sera toujours ouverte.

Je la remercie une fois de plus en la prenant dans mes bras puis rassemble mes quelques affaires. Je n'ai pas envie de m'imposer chez elle, à venir n'importe quand sans que ce soit prévu. Malgré ça j'ai peur de ne pas avoir la force de rester seule avec lui.

Je me mets en chemin vers l'appartement tout en restant dans mes pensées. Ça fait vraiment du bien de marcher seul de temps en temps, de prendre l'air et de faire face à nos émotions les plus enfouies. La peur et le dégoût sont bien sûr toujours présents mais c'est avec étonnement que je ressens aussi une sorte de rage. Et c'est cette rage qui me donne la foi d'avancer.

-Ce criminel joue trop au petit malin ! Il prend tout à la rigolade.

-Oui ! Il mérite la perpétuité.

Je tourne la tête vers ces paroles et ces cris de révolte quand mes yeux se posent sur un bar. Plusieurs hommes sont accoudés au comptoir avec une bière à la main et fixent l'écran de télévision. Prise de curiosité, je m'avance jusqu'à voir ce qui peut bien les mettre dans cet état.

Face à ce visage, je m'arrête presque de respirer. Ce visage qui me devient familier. Malheureusement, il est aussi associé à un moment douloureux, il en est difficile de le regarder. Je baisse les yeux au sol, tout en écoutant ce qui est dit. Les policiers l'accusent d'une extrême violence, pour eux c'est un homme sans pitier capable du pire pour faire souffrir. Le directeur de la prison dit aussi qu'il est difficile de le contrôler et que c'est le prisonnier le plus dangereux du centre pénitencier. A croire que c'est un monstre, je trouve qu'il vont assez loin dans leurs propos, je ne le connais peut être pas si bien que ça mais leur description ne colle pas du tout avec ce qu'il me montre de lui.

Je relève la tête vers l'écran quand vient son tour de parler. C'est la première fois que j'entends sa voix. Elle est assez rauque et plutôt unique en son genre.

-... Je ne sais pas si c'est normal mais j'attends ma réponse moi.

Un semblant de sourire effleure mon visage quand je comprends de quoi il parle. Je ne pensais pas qu'il attendrait. A dire vrai, je n'avais pas l'intention de lui répondre, du moins pas pour le moment. Par contre lui, a l'air de ne pas être d'accord avec l'idée.

-Eh ma jolie, t'en penses quoi toi de ce connard ? Qu'est ce qui te fais sourire ?

Je sursaute, faisant un bond en arrière en sentant un bras se glisser dans le bas de mon dos. Je regarde l'homme qui a prononcé ces mots, restant muette.

-Bah alors on a perdu sa langue ?

Je me retourne et marche à toute vitesse vers l'extérieur pour reprendre mon chemin. Il voulait peut être juste me parler, mais je ne me suis pas sentie à l'aise. J'ai pris peur. Littéralement. Où est donc ma rage qui m'habitait quelques minutes plus tôt ? Si je panique totalement face à un simple inconnu, alors quelle sera ma réaction face à lui ? Pourrais-je supporter un moment pareil ? Oserais-je au moins franchir la porte de chez moi ?

Nothing But AshesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant