Chapitre 8.2

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Je le dévisageais avec une intensité égale à la sienne. Le temps semblait s'être suspendu, j'aurais pu rester des heures à le contempler, tout ce qui n'était pas lui disparaissant en son contact. Son regard était incroyablement doux et profond, tout son être dégageait une étrange mélancolie que je pouvais presque ressentir. Son regard, son expression, cet intérêt accru qu'il avait en posant ses yeux sur moi, tout était semblable à chaque fois que je le croisais. Et mon cœur s'accrochait à lui à chaque minute qui s'écoulait.

– Tu prends toujours des photos ?

Il se souvenait de notre premier échange, la première fois où son corps n'avait laissé qu'une ombre sur l'écran.

– Toujours oui, c'est une de mes passions, dis-je faiblement.

– Comme ma sœur...

Sa voix d'habitude si douce, se voila.

– Peut-être que je la connais, osai-je demander sur la défensive, je suis dans une école d'arts appliqués, j'ai pris une option photographie. Il n'y a qu'un seul lycée qui le propose.

– Je ne pense pas.

Il avait dit ça sur un ton détaché, absent.

– D'accord. Bien, je ferais mieux de retourner dehors, indiquai-je en prenant mon téléphone pour regarder l'heure, on ne devrait plus tarder à venir me chercher et je ne voudrais pas que tu te sentes obligé de rester avec moi.

Je ne tenais pas à lui imposer ma présence, même s'il ne montrait aucun signe pouvant donner l'impression de lui être un fardeau. Au contraire, il semblait rassuré de me voir.

Je me détournai et me dirigeai vers les portes de sortie, ne lui laissant pas le temps de me répondre. J'étais déjà en train de descendre les marches conduisant à la cour, lorsqu'il m'interpella.

– Attends, tu as fait tomber quelque chose.

Il me rejoignit en courant, me tendit mon cache-cœur que je saisis mais il ne lâcha pas sa prise. Son doigt glissa sur la boursouflure le long de mon index. Ce geste m'électrisa.

– Belle entaille.

– Je me suis coupée en préparant à manger. C'est plus impressionnant qu'autre chose, rien de grave.

Les mots sortaient avec difficulté. L'assurance que j'adoptais face à Gwen ou Loïc me lâchait complètement en sa présence.

– La blessure est profonde, fais attention à toi.

S'il avait pu lire dans mes pensées, ce dont j'étais quasiment certaine, il était en train de découvrir qu'il avait été l'élément perturbateur responsable de ma coupure.

– Merci pour mon cache-cœur.

– Tu as pris le rose...

Il desserra sa main avec regret, comme s'il était déçu de mettre un terme à ce contact. Je remis mon vêtement dans mon sac et attrapai mon appareil photo. J'allais sûrement regretter ce geste lors du visionnage des clichés, cette conversation me convaincant qu'il n'était pas réel, mais je devais en avoir le cœur net.

– Ça t'embête si... demandai-je timidement en lui montrant mon reflex.

Il sourit en faisant signe que non. Je reculai un peu, cadrai son visage, ajustai soigneusement mon objectif et pris une photo. Je fis quelques pas en arrière supplémentaires et en fis une autre.

– Qu'est-ce que tu fabriques, magne-toi j'ai pas que ça à faire !

J'étais tellement concentrée que je n'avais pas remarqué la voiture de Sharon garée dans la cour. Loïc s'acharnait sur le klaxon.

Danse pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant