Chapitre 4.1

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– Allô, Julie, alors ça donne quoi, elle est bien ou le réglage est mauvais ?

Je ne répondais pas, stupéfaite face à l'image qui s'affichait devant moi. Au bout du fil Laura s'impatientait, mais j'étais incapable de lui répondre laissant sa voix résonner dans le vide. Quelques secondes, qui me semblèrent une éternité, s'écoulèrent avant que je ne fasse bouger la souris de mon ordinateur pour appuyer sur« supprimer ».

– Non, on ne voit rien. Je devais être plus paniquée que dans mon souvenir. Je suis désolée.

J'essayais de contenir ma voix pour paraître le plus naturel possible, même si je n'avais qu'une envie, tout lui raconter.

– Dommage, j'aurais vraiment aimé le voir. La prochaine fois te loupes pas OK ? D'ailleurs tu y retournes quand ?

– La semaine prochaine, mais les cours vont s'intensifier au fil des séances.

– Je passe te prendre demain matin comme d'hab' ?

– Ça marche, bonne nuit, essaye de ne pas trop rêver à Sam.

– Tu déconnes, il n'est pas venu une seule fois troubler mes nuits depuis que j'ai fait sa rencontre. À se demander si mon subconscient n'est pas en vacances.

– Tu penses trop à lui la journée, il sature, essayai-je de plaisanter. Mais je n'avais qu'une envie, remonter le temps, revivre ma première soirée à l'école de danse et plus que tout, le moment où je faisais la rencontre du danseur.

– Tu veux me faire croire que ton artiste n'est pas venu une seule fois se faufiler dans ton esprit ?

– Hum je ne sais pas faut voir, répliquai-je mystérieuse.

– On verra ça demain, faut que je te laisse, maman va encore rentrer tard et je ne sais pas ce que je vais manger.

Je raccrochai, remis la carte dans mon appareil photo, et me persuadai d'oublier tout ça. Après tout, j'avais probablement fait une fausse manipulation. J'étais angoissée, et il était fort probable que j'eusse oublié de faire la mise au point avant de capter l'image.

Mais dans ce cas, la photo entière aurait dû être floue. S'il avait été sur scène, même avec un mauvais réglage, j'aurais dû apercevoir quelque chose de lui. Sa présence aurait marqué l'écran. Non, non c'était tout à fait possible qu'il n'apparaisse pas, une poussière avait très bien pu se glisser précisément à l'endroit où il se tenait. Dans ce cas, pourquoi sur toutes les autres photos, seule la moitié était visible ? La photo prise à la salle de spectacle était impeccable, la tache floue n'était que sur scène, à l'endroit précis où il aurait dû se trouver.

Mes pensées s'entremêlaient, je trouvais une explication plausible, mais une autre hypothèse faisait s'écrouler les précédentes. Je devais faire le vide dans mon esprit et la seule façon d'y arriver c'était la musique, tant pis pour mon cousin. À peine les premières notes résonnèrent que je me mis à bouger sans rien contrôler. Mon corps s'agitait seul, je me sentais divaguer. Ma tête se vidait, enivrée par la mélodie que je me mis à fredonner.C'était agréable de laisser son corps aller à sa guise, comment avais-je pu passer à côté de ce moyen de décompression pendant tout ce temps ? Mes pieds avançaient, reculaient, mes bras brassaient l'air, je tourbillonnais, laissant la musique se propager dans mes veines. Je me sentais complètement apaisée, lorsque j'entendis des ricanements. Loïc, accompagné de son copain, m'observait hilare dans l'encadrement de la porte.

– Jamais tu vas me foutre la paix ? Ta vie est si pathétique que tu te sens obligé de venir rire de la mienne, clamai-je enragée.

Je ne me reconnaissais pas, d'où venait ce sentiment de puissance que je ressentais depuis peu ? J'osais enfin affronter ceux qui me pourrissaient la vie depuis toutes ces années.

Danse pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant