Chapitre 1

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Cela fait maintenant cinq ans jour pour jour que j'ai perdu mes parents et ma sœur dans un accident. Enfin, un accident qui n'en est pas un.

Le 16 février 2012, lorsque je rentrais du collège, il y avait la police à la maison. Je suis donc entrée, j'ai vu l'intérieur de la cuisine, et c'est à cet instant que ma vie a basculé. Sur le sol maculé de sang gisaient ma mère, et à deux mètres de là, mon père. Les policiers présents sur les lieux étaient vêtus de blanc, et sur le dos de leur combinaison figuraient les inscriptions : Police Scientifique.

Depuis que je sais lire, j'ai découvert une passion pour les romans policiers ainsi qu'une passion pour les hommes en uniformes. De ce fait, je me suis intéressée à tout ce qui touche à la police, de près ou de loin. Grâce aux centaines de vidéos à ce sujet visionnées sur YouTube et à l'intégralité des romans d'Agatha Christie, je connais donc dans les moindres détails les étapes de toutes les enquêtes policières relatives à des délits ou à des crimes. Alors, quand j'ai vu tout ce monde rassemblé dans ma maison, j'ai tout de suite compris que mes parents avaient été assassinés. Sur le coup, j'ai juste posé des questions aux policiers qui m'avaient conduite à l'extérieur de la maison. Ils me répondaient simplement par des : « on t'expliquera plus tard » ou « est-ce que tu sais qui on peut appeler ? ». A cette dernière question, j'ai immédiatement répondu que je voulais qu'on appelle ma grande sœur, qui a 16 ans. Elle est certes plus grande que moi de 5 ans, mais on s'entend comme deux meilleures amies !

Pour toute réaction à ma réponse, l'un des policiers a chuchoté à son collègue d'aller chercher une certaine Myriam.

La prénommée Myriam se présenta à moi avec une mine d'enterrement, en me demandant si je voulais boire quelque chose.

Je lui ai répondu que je n'avais pas soif, car c'était la vérité, mais aussi parce que je savais ce qu'elle avait à m'annoncer, et je préférais qu'elle le fasse vite pour me laisser pleurer en paix.

Comme je l'avais attendu, avec un ton sincèrement désolé, elle m'annonça la terrible nouvelle :

- Océane, c'est ça ?

- Oui...

- Je suis vraiment désolée, mais ta grande sœur Elisa est décédée.

- Elle a aussi été assassinée ? Comme mes parents ?

- Oui et j'en suis navrée...

- Est-ce que je peux la voir ?

- Non, tu n'as que 11 ans et je ne veux pas te traumatiser plus que tu ne l'es déjà. Les policiers que tu vois ici vont emmener tes parents et ta sœur, et moi, je vais m'occuper de toi jusqu'à ce que quelqu'un de ta famille vienne te chercher.

Elle me parlait comme on parle à un enfant de 4 ans, mais ça n'avait aucune importance parce que j'étais trop préoccupée à pleurer toutes les larmes que mon corps pouvait produire chaque minute.

Myriam m'a donc emmené avec elle au commissariat, et au bout de quelques temps, comme je m'étais un peu calmée, j'ai réussi à lui dire que je n'avais plus aucune famille. En effet, j'avais perdu mon oncle et mes cousins à cause d'un terrible accident d'avion un an auparavant, et mes grands-parents étaient tous décédés de vieillesse. Effondrée par cette évocation, je me suis remise à pleurer pendant 45 minutes, jusqu'à ce que je ne puisse plus respirer à cause de l'hyperventilation que je m'imposais depuis maintenant une heure.

Myriam me laissa dormir deux heures, et à mon réveil, un homme que je ne connaissais pas était assis sur une chaise à côté du canapé dans lequel j'avais passé les quatre dernières heures.

Il se présenta à moi, un certain M. Bertrand, mais rien qu'en le regardant, on pouvait deviner qu'il était chargé de me garder le temps qu'on trouve une nouvelle famille qui veuille bien de moi : en clair, chargé de faire les papiers pour me placer dans un orphelinat morbide jusqu'à ma majorité, puisque personne n'adopte les enfants trop grands, et je sais pertinemment qu'à 11 ans, je suis à la limite. L'homme portait donc une chemise grise associée avec une cravate blanche à rayures noires, un pantalon de soie noir et une veste assortie. Ses chaussures, en revanche, n'étaient pas cirées et recouvertes de boue, preuve que malgré la distance entre les directeurs d'orphelinat et les orphelins, ces derniers parvenaient tout de même à marcher sur les pieds de leurs responsables. Sa coiffure était assez basique et son visage reflétait sa jeunesse. A mon avis, il avait environ une trentaine d'années.

- Tu vas donc être placée dans l'orphelinat « Les fleurs bleues », et je suis sûr que tu trouveras vite une famille de rêve ! me lança-t-il d'un ton enthousiaste.

- Je veux rester vivre chez moi ! Je ne veux pas quitter ma maison, ma chambre ! C'est tout ce qu'il me reste de ce que j'ai vécu depuis ma naissance ! Vous n'avez pas le droit de me l'enlever.

- Je sais que c'est dur, mais tu es mineure, et légalement tu ne peux pas vivre seule.

Il avait prononcé le mot contre lequel je ne peux rien faire, et contre lequel je ne ferais jamais rien : Légalement. Avec cette passion que j'arbore pour les forces de l'ordre, je ne peux pas me permettre de ne pas respecter la loi. A partir de là, j'ai juste répondu à toutes les questions que M. Bertrand me posait, et rempli tous les papiers me concernant sans opposer le moindre signe de résistance.

Ma vie est un roman policierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant