Chapitre 14

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Aujourd'hui, je suis prise d'une folle envie de me faire belle. Je sélectionne donc mon beau haut rouge que j'adore, je l'associe avec un jean slim noir, et je passe vingt minutes à parfaire mon trait d'eyeliner. Je mange mon petit déjeuner en quatrième vitesse, puis je remonte me laver les dents et mettre du rouge à lèvres. Je me souris dans la glace. Se sentir aimée, ça fait se sentir belle, alors je suis au top niveau moral !

Je quitte la maison et prends mon métro, avec l'espoir d'arriver le plus vite possible au lycée. C'est la première fois que je suis impatiente d'aller au lycée ! Tout se déroule comme dans un roman à l'eau de rose, alors c'est comme si vous savez déjà ce qu'il se passe : je le vois, nos regards se croisent, je fonce vers lui au ralenti (bon, pas au ralenti, mais c'est plus classe comme ça), et nous nous embrassons fougueusement, puis nous nous séparons pour nous rendre dans nos cours respectifs. Voilà, façon film cliché. Je suis contente de ne pas être dans le cliché négatif du nouveau couple, avec la fille qui tombe en plein milieu du couloir, le garçon qui a une haleine de quelqu'un qui a mangé de l'ail, et le baiser loupé parce que l'un des deux tourne la tête par inadvertance. Je suis ravie que pour une fois, ma vie ne réponde pas à des codes nuls !

C'est fou comme, lorsqu'on est amoureux, les cours deviennent un simple son inaudible dans un coin de la tête. Certes, je craque pour Clément depuis quelques temps, mais ce n'est que depuis que nous sommes officiellement en couple que mon esprit est entièrement focalisé sur lui et son beau visage d'homme parfait. Ma matinée s'écoule donc anormalement vite, et je ne consacre pas plus de trente minutes à mon travail scolaire, sur quatre heures de cours !

Je mange avec Clément au Burger King de la Croix-Rousse, et on passe un super moment. Après manger, il me propose d'aller voir Travis, et j'accepte volontiers, parce que le cow-boy commence sérieusement à me manquer.

Arrivés au magasin, Travis nous serre immédiatement dans ses bras, et je ressens à nouveau ce sentiment de réconfort paternel que je ne connaissais plus depuis la mort de mon père, malgré la présence de Thomas. Il est super content pour nous, et nous dit qu'en cadeau de mariage, il nous offrira le double des clés de notre future maison commune ! Je le trouve quand même un peu pressé, sachant que nous sommes en couple que depuis vingt-quatre heures ! En tous cas, Clément ne semble pas perturbé par les dires de son oncle, alors c'est plutôt cool.

Nous passons la journée à flâner, à discuter, à rigoler. Clément a un humour qui me correspond parfaitement, et j'apprécie chaque seconde passée à ses côtés. Je profite tellement que j'en oublie ma résolution de la veille. Lorsque je dis à Clément que je dois y aller, il m'embrasse à regret, et je lui promets de lui envoyer autant de SMS que mon forfait le permet !

Je pars donc en bus sur la route de mon ancienne maison, et je ne m'attarde pas à réfléchir si je dois rentrer ou non, je fonce directement dans le bureau de mon père. Mais là, impossible de mettre la main sur le dossier « Burger James Hott ». Je ne l'ai pourtant pas rêvé... Il était là, au milieu du bureau. Mais désormais, impossible de mettre la main dessus.

Je m'acharne tout de même pendant plus d'une heure, en vérifiant derrière chaque livre, dans chaque tiroir, sous chaque cadre. Je ne le trouve pas. C'est peine perdue. Je m'allonge sur le tapis, et je ferme les yeux. Au milieu de ces odeurs de livres, je m'imagine mon père, assis à son bureau, et ma mère, debout devant la bibliothèque. Ils étaient heureux, je crois. Je n'obtiendrai rien de plus en restant ici, alors je me relève. Puis, d'un seul coup, j'ai un déclic. Je ne sais pas pourquoi je n'y ai pas pensé avant !

Depuis le premier jour où je suis venue dans mon ancienne demeure, j'ai remarqué que celle-ci n'était pas fermée à clés, et que ceux qui ont tué mes parents étaient rentrés en ayant les clés. Il faut donc que j'arrête de chercher dans les dossiers confidentiels de l'état, pour me pencher sur cette histoire de clés. Si je trouve comment quelqu'un a obtenu les clés de chez moi, j'ai une chance de trouver qui a tué ma famille. C'est à présent l'objectif de mes nouvelles investigations !

Je rentre dans l'après-midi chez Olivia et Thomas, et je m'enferme dans ma chambre. Je ne veux plus toucher à l'Atlas, mais j'ai très envie de lire le journal de ma sœur. Je le sors de sous mon matelas, et commence ma lecture au 1er janvier 2011. Elle raconte son nouvel an, le premier qu'elle fêtait avec ses amis, et cela me procure une sensation étrange de mal-être et de joie. A la fois, les moments de joie relatés par Elisa me rendent heureuse, à la fois ils me rendent triste, car c'étaient les derniers qu'elle vivait sans le savoir.

Je passe aussi certains moments à rire, car ma sœur possédait l'art de transformer une journée de lycée longue et ennuyeuse en une joyeuse comédie.

Puis, je tombe sur des passages vraiment plus noirs, durant lesquels elle relate des aspects plus sombres de sa vie, avec le harcèlement de certains de ses camarades. Je me souviens qu'elle était rentrée dévastée, un soir, parce qu'une fille de Seconde s'était donnée la mort après avoir subi deux ans de harcèlement scolaire au collège. Ce soir-là, j'ai cru que j'avais perdu ma sœur. Elle était si préoccupée par les autres et leurs sentiments que ce décès l'a autant affecté que si c'était moi qui étais morte. Je suis, encore aujourd'hui, très admirative de cette merveilleuse personne qu'était Elisa. Elle avait surmonté le décès de cette jeune fille, et s'était engagée comme ambassadrice du harcèlement scolaire suite à cela. Quel dommage qu'elle soit partie si tôt... Je suis sûre que ma sœur aurait été une tête d'affiche dans les plus grandes associations humanitaires du monde, jolie comme elle l'était, avec son sourire si chaleureux. Ou alors, elle aurait fait le tour du monde pour dédicacer ses livres, qui auraient dénoncé toutes sortes de pratiques détestables.

A la date du 19 novembre, Elisa raconte un événement dont je n'ai aucun souvenir. Soit elle a oublié de me le lire, soit elle a délibérément omis cette aventure.

« Samedi 19 novembre 2011,

Aujourd'hui, je sors en ville avec mes amies. Les nouvelles collections de vêtements-hiver sont sorties, et, à mon plus grand désarroi, mes deux meilleures amies sont fans de shopping, alors je les accompagne dépenser leur argent de façon tout à fait inutile, dans des habits qu'elles ne porteront surement qu'une seule fois durant leur vie, ou peut être deux, si dans trente ans elles retombent dessus et n'ont pas pris vingt kilos entre temps. Mais même si je hais le shopping, ça ne m'empêche pas de passer une merveilleuse journée, à me promener Rue de la République, en jouant à saute-mouton avec la centaine de boutiques qui composent la rue.

Dehors, il n'y a presque personne. Tout le monde est serré dans les magasins pour avoir chaud. Je suis donc assez étonnée de voir un homme, seul, nous foncer droit dessus alors que la rue déserte fait bien une quinzaine de mètres de large. Je ralentis en le voyant approcher, et mes amies font de même, mais lui, au contraire, accélère. Il me percute, et avant que j'aie pu réaliser le moindre mouvement, l'homme part en courant avec mon sac à main.

Je rentre chez moi, un peu secouée, mais je vais bien, et c'est l'essentiel. Cette histoire est confidentielle, cher journal, alors ne la répète à personne ! Je ne veux pas inquiéter mes parents, et je suis allée déposer plainte avec mes amies, donc ils n'ont pas à s'occuper de cette mésaventure, sinon je serai surprotégée pendant des mois. Ce qui m'embête le plus, c'est d'avoir perdu mon téléphone et mes clés... Je demanderai un nouveau téléphone à Noël, puisque c'est dans un mois, et je verrai comment m'organiser pour les clés, mais pour l'instant, je veux garder ma liberté, donc pas un mot à mes parents, ni à Océane qui va paniquer. »

Ok. Pourquoi les petites sœurs sont toujours tenues à l'écart de tout ? Par contre, cette « mésaventure », comme elle l'appelle, me fait penser que c'est peut-être ce voleur qui a permis aux tueurs de ma famille de pénétrer dans notre maison. Soit c'est lui le tueur, soit il a donné les clés à quelqu'un d'autre. Pfff... Je suis dans une impasse, et ça m'énerve.

Bon, je dois maintenant répondre à deux questions : tout d'abord, comment ma sœur a pu continuer de rentrer à la maison sans clés, et ensuite, que sont devenues celles que le voleur a emportées avec lui.

Pour répondre à la première, je décide de me rendre chez Travis dès demain, afin de savoir s'il a un historique des clés refaites en 2011. Pour la deuxième, en revanche, je vais devoir patienter un peu...

Ma vie est un roman policierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant