Chapitre 12

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Nous sommes désormais le 20 mars. Cela fait une semaine que Thomas est parti, et je broie du noir. Je passe des journées moroses. Metro-Boulot-Dodo comme on dit. Mes journées sont toutes les mêmes, je vais en cours, je rentre de cours, je dors, je mange, c'est tout.

Depuis que j'ai compris le contenu de l'Atlas, je suis parano, j'ai tout le temps peur quand je sors dans la rue, et je me sens trop faible pour porter un secret pareil. Ma meilleure amie essaie de me changer les idées, mais comme je refuse de lui parler de ma découverte, et que je ne pense qu'à ça, je ne parle presque plus, et elle va finir par s'écarter de moi, j'en suis sûre. Mais je vis mal la situation. Après les cours, comme je suis dispensée de Gymnastique rythmique et que finis relativement tôt ma journée scolaire, je décide d'aller voir Travis, parce qu'il me manque.

Je sais que je n'ai vu cet homme qu'une seule fois, et que je devrais me méfier des inconnus, mais je me sens bien près de lui, alors je veux me sentir protégée à ses côtés. Lorsque j'arrive à son magasin, je tombe sur Clément, le beau gosse du lycée. Il me sourit :

- Salut Océane, ça va ?

- Heu, oui, bien, très bien... Heu, et toi ?

Je bafouille tellement je stresse. En fait, je réponds aux clichés de la fille intimidée par celui qu'elle aime en secret. Je ne veux pas que ma vie soit un roman policier, je veux que ce soit une comédie romantique. Clément est tellement beau... Son sourire charmeur, ses dents d'une blancheur éclatante (il devrait faire la pub Colgate !), ses cheveux bruns coupés à la mode footballeur que j'aime tant, et ses yeux, d'un vert émeraude, plus beau que toutes les émeraudes du monde. Est-ce que je suis censée lui dire « Ton père est joailler, et il a pris toutes ses émeraudes pour les mettre dans tes yeux », ou ce sont le genre de phrases réservées aux films ? Mais il est si beau, si musclé, si parfait. Je crois que je l'aime beaucoup. Enfin, non. Je crois que je l'aime tout court. Il me tire de mes pensées, mais je n'ai pas entendu ce qu'il a dit. Je réponds donc, comme une enfant prise sur le fait en train de ne pas écouter en classe :

- Heu, pardon, tu peux répéter s'il-te-plaît ?

- Je disais, qu'est-ce que tu fais là ? me dit-il en souriant à nouveau comme dans une pub de dentifrice.

- Ah, je...

Vite, un mensonge, vite, vite, vite... Je ne peux pas lui dire que je suis venue voir le Monsieur qui vend des clés pour lui faire un câlin, alors que je ne le connais pas, c'est super bizarre ! Mais je ne veux pas mentir. Pas à lui. Alors je lui dis la vérité, et pour une fois ça fait du bien :

- Je viens voir Travis, celui qui vend les clés. Il m'a rendu service il y a quelques semaines, alors je veux voir s'il va toujours bien.

- Oui, je sais que Travis vend des clés ici ! C'est mon oncle ! me répond-il en rigolant.

Ok, je me sens un peu bête, mais je suis sauvée de ce petit moment de gêne par l'arrivée de l'homme en question.

- Alors les jeunes, ça dragouille ? S'esclaffe Travis.

Oh super. Son oncle est beauf. Je suis hyper mal à l'aise. J'aimerais disparaître dans un trou de souris. Pourquoi le seul garçon qui me plaît est celui qui ne s'intéresse pas à moi ?

- Eh oui tonton, ça dragouille dur, c'est pourquoi nous allons te laisser. Océane, ça te dit de venir boire un verre avec moi ? Ou aller manger une glace au McDonalds d'à côté si tu veux ! dit l'homme-le-plus-parfait-du-monde.

- Oui, ce serait super ! Réponds-je.

Je ne sais pas comment je suis parvenue à répondre à Clément, mais je l'ai fait, et maintenant on marche côte à côte au milieu du centre commercial. J'ai tout de suite dit à Clément que je ne voulais pas aller à McDo, non pas parce que je sois contre l'enseigne, comme le sont de nombreux jeunes de nos jours, mais parce que cela me rappelle trop ma mission, que je vais surement abandonner parce qu'elle m'apporte trop d'angoisse. Bien sûr, mon excuse a été simplement : je préfère ne pas manger maintenant, sinon je n'aurais plus faim ce soir. Certes, ça fait petite fille sage, mais au moins ça ne fait pas psychopathe obsédée par la mort de ses parents.

On se pose dans un café en face du centre commercial, et je passe la plus belle heure de ma vie. Contrairement à ce que je pensais, on n'a aucun moment de silence gênant, car les seuls silences auxquels nous devons faire face sont agréables, et nous les passons à nous regarder timidement. Nous discutons de nos activités, de nos familles, de nos vies en général, de nos passions, de nos objectifs. Il veut devenir footballeur professionnel. Je trouve ça cool, parce que je sais que même en cas d'échec, il a largement les capacités de faire des études, et de faire ce qu'il veut de sa vie. Je suis admirative. Il est passionnant quand il parle, et sa beauté extérieure est aussi belle que l'intérieure. Je tombe de plus en plus amoureuse, et ça me fait mal de l'admettre... Mais, comme ma quête commence à devenir secondaire dans ma vie, je ne vois pas pourquoi je me priverais d'une histoire avec un garçon. J'ai toujours voulu faire passer mes études avant tout, mais en ce moment, une histoire d'amour est exactement ce dont j'ai besoin.

Au bout d'une heure merveilleuse, je lui dis que je dois rentrer chez moi, et que ma mère adoptive m'attend. Il m'accompagne jusqu'à chez moi à pied, car il fait bon dehors. En arrivant devant chez moi, il se penche pour me faire la bise, et me dit « à plus tard ».

Je suis déçue. Pourquoi n'ai-je pas droit à mon premier baiser maintenant ? Peut-être qu'il est gay...

Le soir, Olivia est distante, parce qu'elle dit avoir beaucoup de choses à gérer, mais ça m'arrange, comme ça je n'ai pas à lui raconter mon rendez-vous avec Clément.

Je m'endors à la fois frustrée et aux anges, et pour la première fois depuis plusieurs semaines, je rêve de bonheur, et je me dis que moi aussi, j'y ai droit.

Ma vie est un roman policierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant