Chapitre 20

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Je me sens faible. Mes paupières sont lourdes, j'ai du mal à les ouvrir. Des néons défilent devant mes yeux. Je vole. Non. Je roule. Je suis allongée sur un brancard. Autour de moi, deux pompiers et une femme en blouse blanche, qui doit être médecin. J'entends derrière moi la voix de mes parents adoptifs. J'ai mal partout et nulle part à la fois. J'ai l'impression d'être prise au piège dans un corps qui ne m'appartient pas. Je préfère fermer les yeux. Enfin non. Je veux voir les lieux qui m'entourent. Je les rouvre.

Je détaille attentivement ce que je vois. En fait je ne vois presque rien. Les pompiers m'ont posé une minerve pour protéger ma colonne vertébrale, alors je ne peux pas tourner la tête. Mon champ de vision ne comporte donc que les hommes qui entourent le brancard et les néons du plafond. En revanche, j'entends les bruits de l'hôpital. Des pleurs. Des cris. Mais aussi du silence. D'un seul coup, j'ai une révélation. Je veux faire ça. Je veux être ce pompier qui pousse le brancard, qui prend soin d'une victime, qui la soigne. C'est bizarre de penser à ça maintenant. Mon avenir lointain devrait passer largement après mon avenir très proche, mais je ne dirige plus mes pensées, alors je les laisse vagabonder librement.

Avant, j'hésitais entre différents projets pour mon futur. Sans m'en rendre compte, je me suis totalement détournée de celui de devenir membre du RAID. Peut-être que cela est dû à mon conflit avec Thomas, qui lui y travaille. Ou alors c'est dû aux attentats de Berlin, qui m'ont montré que je préférais soigner plutôt que tuer, même si je dois soigner un terroriste blessé par la police plutôt que le tuer depuis le haut d'un immeuble. C'est comme ça. Au fond de moi, je crois que j'ai cette vocation de donner ma vie aux autres.

Je reviens brusquement à la réalité. Je suis blessée. Enfin, peut-être. Je ne sais pas. Pour donner ma vie aux autres, il faut que je vive. Hors, vu les expressions crispées des personnes qui m'entourent, mon avenir semble compromis.

Après des kilomètres (sans exagération bien sûr) de couloirs, nous rentrons enfin dans une chambre. Là, les pompiers aident les médecins à me transférer sur un lit d'hôpital, puis ils me laissent entre les mains des médecins. Ces derniers me parlent, mais leur voix me parait si lointaine que je ne comprends pas ce qu'ils me disent. Ils commencent à m'enlever mes vêtements, ma montre, et mes chaussures. Ces objets passent dans mon champ de vision, et ça me fait peur. Mon t-shirt est à moitié déchiré, mais aussi découpé (ce sont probablement les pompiers qui l'ont coupé pour faciliter ma prise en charge), et il est plein de sang, tout comme mon legging. Ma montre est cassée. Mes chaussures sont les seules à avoir résisté, elles m'ont l'air intactes. D'ailleurs, résisté à quoi ? J'essaie de me plonger dans mes souvenirs, mais rien ne vient. J'ai mal à la tête. Quand je repense à ce qui a bien pu m'envoyer à l'hôpital, je ne vois qu'un grand trou noir. Rien de plus.

Je suis de nouveau en mouvement. Je ne vois de changement de décor que lorsque les médecins et infirmiers me déposent dans le tunnel du scanner. Tout mon corps va être observé grâce aux rayons. Je me détends, et j'attends que ce mauvais moment, dans un endroit si petit, passe.

***

Je me suis endormie. Ou alors les médecins m'ont endormie. Je me sens mieux, à présent. Allongée dans une chambre lumineuse, je me sens à l'aise. Je n'ai plus de minerve. En revanche, j'ai une grosse attelle sur toute la jambe gauche, et je porte toujours mon attelle au poignet gauche. J'ai toujours mal à la tête, mais moins que tout à l'heure.

Olivia et Thomas sont assis dans la chambre. Ils se jettent sur moi en voyant mes yeux ouverts.

- Oh ma chérie ! On a eu si peur ! Est-ce que ça va ? Comment tu te sens ? Tu as mal quelque part ?

Je réfléchis. Je me sens fatiguée, mais je crois pouvoir parler. Je me lance, au prix d'un effort surhumain :

- Oui, ça va. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Ma vie est un roman policierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant