Chapitre XX

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Marcher dans les pas de mon père est une chose que je ne pourrais jamais faire. Rien que le fait de le suivre dans ce large couloir et d'avancer à ses côtés me débecte. Je ferme les yeux et respire doucement par le nez. Depuis qu'il est revenu de déplacement - c'est-à-dire il y a quelques heures à peine après mon cours de danse - l'air de la maison s'est refroidi. Si bien que je grelotte tandis que nous nous dirigeons vers la salle à manger. Cherchant le réconfort dont j'ai besoin, je jette un coup d'œil à Rafael qui se tient à bonne distance derrière nous. Il est là et cela me rassure. Il est cette petite pointe d'étincelle dans ce froid intersidéral.

Je n'aime pas la robe que m'a choisie mon père. Elle est d'un noir aussi sombre que son âme et d'une longueur aussi laide que son cœur. On pourrait dire que je vais au cimetière et pourtant, ce soir je rencontre la famille de Nicholas. Du moins, son père et sa belle-mère. Je ne suis pas particulièrement ravie de me présenter à eux après le portrait que les frères m'ont dépeint sur leur père. Une copie conforme du mien. Chose qui a le don de me rebuter, si bien que je redoute ce moment comme pas permis. Mais je n'ai pas le choix. J'ai raté la présentation lors du gala. Mon paternel est déjà assez furieux comme cela.

Chaque pas me paraît être un pas de plus vers l'enfer. Mon père, lui, enjambe à grande vitesse les derniers mètres qui nous séparent de la salle à manger. Un repas. Un seul repas, tu peux le faire Flo...

Je regarde une dernière fois derrière mon épaule alors que mon père pousse déjà la grande porte. Les yeux bleus du beau garde du corps semblent me donner tout le courage dont j'ai besoin. Une courte parenthèse lors de laquelle il redevient lui-même. Le Rafael doux et rassurant que je commence à connaître plutôt bien. Tout de suite, je respire mieux. Je relève la tête, contrôle mon souffle et replace mon masque d'indifférence. La première personne que je vois lorsque j'avance dans la salle à manger, c'est Nicholas. Il lance d'abord un regard que je n'arrive pas à déchiffrer à son frère puis ses yeux tombent dans les miens. Il me sourit doucement avant d'exécuter une sorte de révérence totalement maladroite. Je ris, bien malgré moi. Ce repas devient tout de suite beaucoup moins morose.

- Flore, ma chère fille, laisse-moi te présenter Sébastien et Nathalie Krys.

- Enchantée.

D'une main molle, je sers celle de Nathalie et laisse Sébastien se pencher pour me servir un baise-main aussi dégoûtant que son apparence. C'est un homme bariolé et débraillé. Il représente le total inverse de ce que peut être mon paternel, c'est-à-dire toujours bien habillé et propre sur lui. Presque trop pour ne pas paraître louche, à bien y réfléchir. Toutefois, Sébastien n'a pas l'allure de sa fortune. À vrai dire, il fait même tache dans notre belle salle à manger. Ce qui est sûr, c'est que Nathalie n'est pas là pour sa personne mais bien pour ce qui rempli son compte en banque. Cela pourrait presque me faire marrer si Sébastien ne me regardait pas avec ce sourire malsain collé à ses fines lèvres gercées.

- Flore. Quel plaisir de faire enfin ta connaissance ! Mark, tu m'avais caché que ta fille était aussi jolie. Mon fils pourra être fière de t'avoir à son bras. N'est-ce pas Nicholas ?

- C'est certain.

Serrant les dents, je jette un coup d'œil à Nathalie, la poupée de Sébastien. Le visage neutre, elle me fixe durement. Alors quoi ? Une nouvelle femme arrive dans la famille Krys et madame a peur de ne pas avoir le monopole ? Je lui lance un sourire provocateur auquel elle répond en haussant un de ses sourcils bien trop dessiné. Nathalie est trop maquillée, c'est un fait. Je suis même persuadée qu'elle est plus jeune que ce qu'elle ne laisse paraître. Elle possède de longs cheveux blonds que je pourrais presque lui jalouser si elle n'était pas dans le camp ennemi. Je suis loyale et fière d'être du côté de Nicholas et Rafael dans cette lutte contre la vérité.

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