J'ai lu dans plusieurs livres que la vie était fantastique. Qu'il fallait la vivre à fond puisque nous n'en avions qu'une. Et surtout, qu'il fallait profiter de chaque instant car vivre et respirer sont des choses que nous ne pourrions plus faire lorsqu'il sera trop tard. Ça m'avait fait sourire parce que je n'ai pas vraiment l'impression que ma vie soit fantastique. En fait, elle ne l'était pas. Et surtout pas à cet instant alors que le médecin enlève ses gants dans un claquement sourd tout en me souriant gentiment de ses lèvres peinturées de rouge. Je ne lui retourne pas son sourire. Je trouve ça quand même assez gênant d'être allongée les jambes écartées, je n'ai pas besoin de devenir hypocrite par la même occasion. Je n'ai qu'une seule envie, sortir d'ici.
J'ai juste le temps de baisser ma jupe avant que mon père entre en trombe dans la salle. Son arrivée me plombe encore plus le moral, si cela est possible. Je n'ai pas de relation privilégiée avec mon père, on s'en tient simplement à une relation de cohabitation forcée même si je suis persuadée que mon père a des ambitions bien plus sérieuses pour moi qu'une simple indifférence qui aurait pu durer jusqu'à ce que la mort nous sépare. Ce sont des choses que je n'arrive pas à assimiler. Comme un vieux morceau de viande que l'on mastique jusqu'à le recracher. Trop dur et trop gros à avaler. J'ai horreur de n'avoir pas la main sur ma vie. Et j'ai horreur que mon père prépare mon mariage depuis ma naissance. Ce dont j'ai le plus horreur par contre, c'est que ce mariage soit bientôt. Très bientôt. Et je dois à tout prix empêcher ça.
- Alors ?
- Toujours vierge, Monsieur Silver.
Le médecin s'éclipse tandis que le visage de mon père se détend subitement et un sourire carnassier s'installe sur ses lèvres. Je déteste ce sourire plus que tout. Lorsque je le vois, j'ai l'impression d'être une moins que rien. Ce que je suis sûrement aux yeux de mon père, mais le pire dans tout ça c'est que lorsque j'aperçois ce sourire sur son visage, j'ai l'impression de l'être aussi. Et j'ai envie de m'arracher les cheveux tant cette pensée me répugne. Je sens mes yeux se mouiller de rage et c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Je me lève subitement et cours presque jusqu'à la porte pour m'enfuir de cette pièce qui commence à me faire suffoquer. Si seulement j'avais la solution à tous mes problèmes, tout serait plus simple. Chaque fois que cette routine se répète, que mon père entre en trombe dans la salle et demande si je suis encore vierge, j'ai envie de lui rire au nez. Comment veut-il que je perde ma virginité alors que je suis cloîtrée dans une maison - certes très grande - sans aucune interaction avec la gent masculine ? La débilité de certains me tuera. Toutefois je me tais et encaisse car lorsque le moment se présentera, je lui planterai un couteau dans le dos, en silence et sans qu'il s'en aperçoive. Et c'est à cet instant que je pourrais rire à gorge déployée. Seulement à cet instant, pas avant.
Mon père attrape mon poignet au vol et me tire brusquement vers lui. La douleur me ferait presque grimacer mais j'ai appris à ne rien dévoiler. Aucun signe de faiblesse devant lui. Nos regards se rencontrent et je fais tout mon possible pour le soutenir sans pleurer. J'arrive même à placer un petit sourire malicieux sur mes lèvres. De la provocation pure et dure. C'est ce qui me tient encore éveillée aujourd'hui, défier mon père agit sur moi comme un agressif booster d'énergie. Je sens mon corps trembler d'excitation et je suis prête à tout pour me libérer de mes chaînes dorées.
- Ton futur mari sera fier de toi. Une jeune toile blanche qu'il pourra salir à sa guise.
Je ne suis pas choquée par ses propos. J'en ai entendu des similaires toute ma vie et celui-ci n'est clairement pas le pire.

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VIRGIE
RomansaFlore est vierge. Pas spécialement par choix, mais plutôt par obligation. Par ailleurs, elle n'a presque jamais vu d'hommes de sa vie. Ça aussi, ce n'était pas un choix. La raison de tout cela ? Son père. Mark Silver est un homme influent et importa...