Chapitre VIII

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Mon reflet ne m'inspire aucune émotion particulière lorsque je me regarde dans le miroir. Je suis dans un état d'esprit neutre. À l'opposé de ce que je devrais être aujourd'hui, c'est-à-dire heureuse et épanouie. En effet, je rencontre enfin mon futur époux. Et pas en petit comité, en plus de ça. Mon père a organisé un gala pour fêter l'événement. Je déteste ça. Je n'aime pas cette effusion d'hypocrisie dont le seul but est de célébrer un amour qui n'en est même pas un. Et puis je ne connais même pas la moitié des invités qui seront là aujourd'hui. Tant qu'il y a des petits fours et du champagne, je peux éventuellement survivre à cet enfer.

- Et voilà ! Tu arrives encore à respirer ?

Margot se place à mes côtés et me regarde dans le miroir, les mains sur les hanches. Elle vient tout juste de boutonner le dernier bouton parmi la cinquantaine qu'il y avait sur cette robe. Et en effet, inspirer devient presque difficile. C'est une jolie robe pourtant. Elle est bleue nuit, légèrement évasée jusqu'à mes escarpins argentés. Margot m'a sublimée pour l'occasion, elle a vraiment des doigts de fée. Entre la coiffure et le maquillage charbonneux, je me plais plutôt bien. Cela m'ennuie d'avoir fait tous ces efforts pour un homme que je n'aime même pas. Toutefois, pour le moment il faut encore que je suive les directives de mon père sans poser trop de questions. Et je n'oublie pas qu'il faut que j'observe Nicholas et Rafael aussi.

- Il ne faudra pas que je mange beaucoup, une petite gourmandise de trop et ma robe éclate.

Pour le moment, c'est Margot qui éclate de rire. Elle me regarde d'un œil amusé en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

- Ça pourrait être drôle. Tu n'as jamais pensé à mettre la honte à ton père de la sorte ?

- Plus souvent que tu ne le penses.

On se sourit mutuellement et j'expire un grand coup pour me donner du courage. Aujourd'hui ont lieu les présentations avec la famille et le futur époux. La prochaine étape c'est le mariage, qui arrivera plus vite que je ne l'aurais voulu. Je ne l'avouerai jamais mais cela m'effraie. Si finalement j'échoue, cette union aura belle et bien lieu et mon sort sera scellé. Je n'aurais plus aucune possibilité de faire marche arrière ou de me rétracter. J'espère seulement que Nicholas et moi nous entendrons bien si jamais nous devons passer le restant de nos jours ensemble. Cette idée me fait froid dans le dos.

- Je crois qu'il est temps que tu y ailles.

J'observe Margot ranger tous les produits de maquillage dans sa trousse prévu à cet effet puis je me regarde une dernière fois dans le miroir. Mon père m'attend, tout le monde m'attend et moi je n'attends qu'une seule et même personne pour finaliser mon plan. Je soupire pour la énième fois avant d'hocher la tête par dépit.

- Oui, j'y vais.

À l'entente de ma petite voix, Margot se retourne et me lance un regard rempli de courage avant de me serrer les mains doucement. C'est un de ces regards qui me poussent à m'accrocher à ses doigts comme je m'accrocherai à la dernière branche d'un arbre avant de tomber. Le mariage avec Nicholas ne veut pas seulement dire perdre ma liberté, cela veut aussi dire perdre les rares personnes auxquelles je tiens ici, comme Margot.

- Accroche-toi Flore, rien n'est terminé.

Je sais plus que quiconque que rien n'est terminé. J'ai un espoir si grand que j'ai parfois l'impression que cet espoir n'est qu'une illusion de ce que sera la réalité. Qu'il n'est là que pour me maintenir en vie jusqu'au moment fatidique et qu'après cela, il disparaîtra. Pourtant, c'est justement l'espoir qui me fait vivre et me fait rêver à des jours meilleurs. Alors je m'y accroche, parce qu'il n'y a que ça qui puisse me sauver. L'espoir n'est autre que l'inspiration, le cœur qui bat et le yeux qui s'émerveillent.

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