VIRGIE

Chapitre XXIV

Il me sonde. Avec deux doigts posés sur ses lèvres, il me fixe comme s'il tentait de résoudre une énigme. Une de celles qui sont particulièrement compliquées, si j'en crois son froncement de sourcils et son air énigmatique. Je déglutis pour tenter de chasser le gros noeud qui m'encombre la gorge.

Après avoir traîné des pieds alors que Raf me tirait par la main telle une enfant capricieuse, nous nous retrouvons seuls, en tête à tête. Nous sommes à l'opposé de la pièce l'un de l'autre et pourtant, j'ai l'impression d'étouffer. Je suffoque. Je transpire et j'ai l'impression que je vais me liquéfier sur place.

Mais je garde la face devant lui, j'essaie d'absorber la fraicheur de la vitre que je ressens dans mon dos tandis qu'il est appuyé contre la porte de sa chambre. Du moins, si cette pièce est bien sa chambre d'enfant. J'avoue que me dérober de son regard pour vérifier où nous sommes est beaucoup trop difficile. Rafael a toujours eu un regard hypnotisant, ce n'est pas nouveau.

- Je crois que tu n'as pas bien compris, dit-il soudainement d'une voix si rauque qu'on pourrait penser qu'il vient tout juste de se lever.

Ne sachant pas quoi répondre, je garde le silence. Je tente un petit sourire mutin pour cacher mon trouble, ce qui semble l'énerver d'autant plus. Doux Jésus.

- Explique-moi dans ce cas, finissais-je par répondre d'une voix que j'espère assurée.

Si je suis dans cette situation aujourd'hui, c'est parce que je l'ai décidé ainsi. Je ne veux pas que Rafael me perturbe, il faut à tous prix que je reste focus sur mes objectifs et je sais qu'avec ce garde du corps dans les pattes, je serais ralentie et plus que tout, j'aurais la tête ailleurs et je louperais des informations clés. Des indices me passeront sous le nez. Ma vie me passera sous le nez. Il a fallu que je fasse un choix et mon indépendance à repris le dessus.

J'ai besoin de savoir qui je suis réellement. J'ai besoin de m'échapper de cette vie, de me téléreporter dans une nouvelle qui ne ressemblera en rien à celle-ci. Toutefois, si je pouvais aussi retrouver Rafael de l'autre côté, ce serait le summum. Mais ce serait un acte beaucoup trop égoïste de ma part. Rafael a sa vie ici, il ne me suivrait jamais jusqu'au bout du monde.

- Le combat que tu essaies de mener seule, c'est aussi le mien. Je te rappelle que c'est en partie grâce à nous que tu en sais plus aujourd'hui.

Je fixe son visage quelques instants avant de soupirer et de m'asseoir sur le lit qui se trouve à ma gauche. Sait-il qu'il est en train de tout compliquer ? Sait-il qu'en me rejoignant ici ce matin, il vient de foutre un sacré bazar dans ma tête et dans mon coeur ? Bordel, bien sûr qu'il en a conscience.

- Raf, c'est de ma mère qu'il est question. Cela ne concerne que moi. Merci pour votre aide mais à présent, c'est à mon tour. Et seule.

- Jamais je ne te laisserais seule dans cette merde.

- Je l'ai été toute ma vie, c'est pas quelques mois de plus qui changeront la donne.

Rafael passe sa langue sur sa lèvre inférieure avant de se déplacer jusqu'à la fenêtre. Il regarde dehors, les mains vissées de chaque côté de la vitre et les bras bandés. Mon regard se perd quelques secondes de trop sur ces biceps avant que je tombe sur le matelas en soupirant. Le plafond blanc me semble incohérent. Trop blanc. Trop lisse.

- Quelle est la première question que tu m'as posée, Virgie ?

Je fixe un petit point noir qui vient rompre le blanc trop parfait du plafond. Rien n'est jamais tout propre est limpide, vraisemblablement. Le noir l'emportera toujours sur le blanc.

- Es-tu réel ?

Ça, c'est la première question que je lui ai posé, mais c'était dans ma tête, alors que j'étais sonnée par la claque de mon géniteur. Il m'est apparu à ce moment-là comme un ange gardien, j'ai tout de suite ressentis qu'il n'était pas foncièrement du côté de mon père. Je sais cependant ce qu'il a envie que je réponde à haute voix. Je connais très bien la réponse, tout comme lui. On sait.