Chapitre XXIII

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Line me jette un regard désolé. Toutes ces prises de risques pour perdre la bataille devant une porte close. C'est dur à assimiler. Néanmoins, je toque une énième fois. Je ne peux pas croire que mon dernier espoir se ternisse de cette façon. Autour de nous, la vie continue. Les oiseaux chantent, les enfants rient et les voiturent circulent. Mais à l'intérieur de moi, tout s'effondre. L'étau qui m'emprisonne un peu plus chaque jour se ressert et m'empêche de respirer. C'est désagréable, mais supportable. Ce qui ne l'est pas en revanche, c'est toutes ces images qui affluent dans mon esprit.

Je me vois avancer vers l'autel et tourner la tête pour apercevoir le visage de mon père, déformé par un sourire inquiétant. Le jeu est fini. Le goût amer de la défaite envahi ma bouche. Alors que je commençais à me détourner en lançant un sourire vacillant à ma meilleure amie, la porte s'ouvre à la volée, entraînant mon cœur dans son élan. J'ai l'intime conviction que toutes les réponses à mes questions se trouvent enfin à portée de main, chez cette femme.

- Bonjour.

- Oh... bonjour les filles !

Marie a l'air en forme. Assise dans son fauteuil roulant, elle se recule et nous fait signe d'entrer. J'ai l'impression d'être venue hier tant le temps passe vite. Il défile à une vitesse ahurissante lorsque nous avons envie qu'il ralentisse. L'inverse est aussi véridique. J'ai l'impression qu'un sablier s'écoule au dessus de ma tête, me rappelant à chaque seconde que ma vie ne tient qu'à un grain de sable.

- Je suis désolée, je ne vous avez pas entendu ! J'étais en train de lire dans le jardin ! Venez, entrez.

- On ne veut pas vous embêter, on ne restera pas longtemps.

- Je vous en prie ! Jamais deux jeunes filles comme vous ne m'embêteraient, voyons !

Je lui rends chaleureusement son sourire. L'intérieur de la maison m'apaise. La douce odeur d'un gâteau provenant très certainement de la cuisine me fait saliver rien que d'y penser. Aussi, pénétrer dans cette maison me fait inévitablement penser à Rafael. Où est-il ? Est-il en colère ? Toutes ces questions s'envolent lorsque je m'assois autour de la table de jardin de Marie, au bout de la pelouse. Line m'attrape la main et plonge ses yeux dans les miens.

- Tu y es. Trouve ce que tu cherches, ok ? C'est maintenant ou jamais.

J'hoche la tête en inspirant grandement. Line retourne à l'intérieur de la maison pour aider Marie tandis que je me retrouve comme clouée à ma chaise par tout ce poids pesant sur mes épaules. Je sais que cette femme est mon dernier espoir. Elle est la seule à connaître parfaitement ma mère. Peut-être la seule à savoir où elle pourrait se trouver en ce moment même. Et puis, le simple fait que Marie la connaisse me rassure. Je me sens bien, ici. Bien mieux que chez mon père. J'ai beau enfouir ce sentiment au plus profond de mon être, je ne peux nier que je suis effrayée à chaque coin de couloir. Il m'effraie bien plus que je ne veux bien l'admettre. Voilà une raison de plus pour partir. Fuir loin d'ici et ne jamais revenir.

Je regarde autour de moi. Le jardin est propre et bien entretenu. Un parterre de jolies fleurs décore le côté droit tandis qu'un petit potager rempli de merveilles prend place du côté gauche. Il est évident que Marie a un sens du détail fabuleux. Le sourire aux lèvres, je me détourne et fixe la petite maison. Oui, je me sens définitivement bien ici. Mes yeux tombent ensuite sur le seul objet présent sur la table. Un livre. Le livre que lit Marie en ce moment, en l'occurrence. Je l'attrape pour lire la quatrième de couverture avant d'être stoppée dans mon élan par quelque chose retenant mon attention.

J'ouvre le livre et tombe sur une carte postale servant de marque page, j'imagine. Sur cette dernière figure un joli paysage. Une plage paradisiaque digne des plus beaux spots du monde entier. L'eau est claire, presque translucide. Il y a des palmiers, du sable fin et c'est tout. C'est cela qui me plaît, plus que le reste. Le calme. Personne autour pour me dicter ce que je dois faire. Juste moi, l'eau et le silence. J'en rêve rien que d'y penser.

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