Chapitre XVI

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- Où sont ces foutues clés ?

Rafael semble paisible, les yeux clos et un léger sourire flottant sur les lèvres. Il se trouve au doux pays des rêves, un pays que j'aimerais bien visité avec lui, simplement pour savoir de quoi il est peuplé. Cela a l'air de le rendre heureux. Peut-être qu'il rêve de notre baiser d'hier soir. Cette simple pensée fait rosir mes joues d'excitation. Et pour cause, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Je n'ai fait que ressasser les événements de la veille, encore et encore. En rêvant de plus et en admettant que je ne l'obtiendrai jamais, ce plus.

- Ah voilà, elles sont là ! Tu viens, Flore ?

J'hoche la tête à Jeanne et m'éloigne du canapé sur lequel dort paisiblement Rafael. Aujourd'hui, je compte mener à bien notre petit deal, même si monsieur n'a pas vraiment eu le choix. De ce fait, Jeanne m'accompagne pour acheter quelques pots de peinture orange et « faire les boutiques », selon ses dires. Je n'ai jamais fait les boutiques, tout m'a toujours été livré chez moi. Si mes souvenirs sont bons, je ne suis même jamais entrée dans une enseigne de ce genre. Ou de quelconque genre, en réalité. Une chose banale pour autrui devient totalement inconnue pour moi. C'est souvent lors de ces instants de lucidité que je me rends compte qu'un énorme fossé s'est creusé entre les autres habitants de cette planète et moi-même.

Une fois dans la voiture, Jeanne se met à papoter de tout et de rien et cela me soulage. Je suis ravie de pouvoir simplement penser à autre chose, rien qu'une seule journée. Mine de rien, je ne me suis jamais arrêtée de penser ces derniers jours. Mon cerveau était en surchauffe nuit et jour pour tenter de percer cette carapace qui m'étouffe chaque matin un peu plus. C'est épuisant. Je me demande encore combien de temps je vais pouvoir tenir avec ce rythme de vie. Le temps qu'il faudra, en définitive. Parce que je ne suis pas prête à baisser les bras, ça c'est certain.

***

RAFAEL

- Mec, je ne sais pas ce que t'as fait hier soir mais t'as un putain de sourire à faire peur.

Une goutte me tombant sur le nez me fait difficilement relever les paupières. Ce n'est que lorsque j'aperçois Julien mangeant un bol de céréales au dessus de ma tête que je me redresse comme un ressort. J'essuie la goutte de lait qui se trouve désormais sur ma joue tout en le fusillant du regard.

- J'avais rêver à un meilleur réveil.

- Comme par exemple la langue de Flore sur une partie bien précise de ton anatomie ?

- Ferme-la, espèce d'abruti.

Il se met alors à rire la bouche pleine avant que je n'attrape un coussin et que je lui lance au visage, faisant valdinguer son bol de céréales sur le sol.

- Mec ! Putain, c'était les dernières céréales du paquet !

- Tu peux toujours les manger à même le sol.

Il ne m'écoute pas, pleurant presque devant ses céréales préférées gisant sur le carrelage. Je me relève en lui tapotant gentiment l'épaule tandis qu'il se laisse tomber à genoux, comme s'il venait de perdre un proche. Ce mec est dans l'excès, mais je l'aime. On s'est rencontrés au lycée, tout comme Jeanne. Et nous étions inséparables, ce qui n'a pas changé aujourd'hui. Nous avons même réussi à réaliser notre rêve ultime de l'époque : faire une colocation tous les trois. Notre vie était simple et belle jusqu'à ce que je rencontre Virgie et que nous tombions dans une enquête sans fin.

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