Chapitre XIX

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Rien que le fait de m'imaginer sur un bateau, quittant la terre ferme pour une île, me fait frétiller d'excitation. Je n'ai jamais vu la mer de ma vie. Seulement sur quelques photos qui appartenaient à ma mère et que j'ai réussi à voler à mon père sans qu'il s'en aperçoive. Ce sont les objets les plus précieux que je possède. Et j'ai eu beau les observer pendant des heures entières, tellement intensément que je pouvais presque sentir les vagues me caresser la peau, jamais cela ne rivalisera avec la vraie sensation. Certaines fois, j'aime fermer les yeux et m'imaginer cette grande étendue d'eau. Libre, pleine de ressources et de vie. Si belle, si pure et à la fois si dangereuse et sans pitié. Un contraste si saisissant et si paradoxal que j'ai d'autant plus hâte de découvrir cela de mes propres yeux.

Après la folle découverte de Nicholas, nous avons cherché sur Internet de quelle île il s'agissait. Le résultat est tombé : Jewel Island. Une toute petite île isolée du pacifique. Toutefois, nous n'avons pas réussi à avoir plus d'informations que cela. Comme si cette île n'était qu'une illusion, inconnue de tous. Pourtant, Nico veut que nous nous y rendions. Le plus rapidement possible. Selon lui, nous avons perdu trop de temps. Étant réaliste, je ne m'inclue pas dans leur petite escapade. Mon père rentre incessamment sous peu de déplacement et je n'aurais plus aucune chance de passer le pas de la porte. Encore moins de partir plusieurs jours sur une île. Cela m'attriste mais je préfère qu'ils y aillent sans moi plutôt que de leur rajouter une pression supplémentaire sur les épaules.

Aujourd'hui, plusieurs jours ont passé depuis ma dispute avec Rafael. Plusieurs jours de silence et d'ignorance. Le deuxième jour, j'ai d'abord essayé une première approche. En effet, je me suis installée à ses côtés alors qu'il regardait un match de rugby à la télévision. Il n'a pas réagi. Je lui ai tendu le paquet de chips que j'étais sérieusement en train d'entamer. Il est parti. Je ne pense pas que cela soit très encourageant. Le lendemain, nous nous sommes croisés à l'entrée de la salle de bain. Lui, le corps à moitié nu avec une simple serviette sur le bas des hanches et moi, le corps tremblant sous mon pyjama en satin. Je n'étais manifestement pas prête à cette vision paradisiaque dès le matin car j'ai tourné les talons comme si j'avais le feu aux fesses. Ce qui était peut-être un peu le cas, finalement.

Les jours suivants, j'ai décidé de lui laisser de l'espace. Jeanne m'a amené au centre commercial, au restaurant et au cinéma. Trois choses qui m'ont plus ou moins fait retrouver le sourire. Hier midi, la meilleure amie de Rafael m'a appris à faire des lasagnes. Je n'avais jamais cuisiné de ma vie avant ce moment-là et j'avoue avoir été plutôt fière de moi. Aussi, les yeux du garde du corps ont croisé les miens lorsque nous étions tous installés autour de la table mise avec soin. Il m'a regardé avec insistance avant de détourner la tête. J'aurais aimé que son regard me détaille, encore et encore. J'adore me voir à travers ses beaux yeux bleus. Par la suite et avec grande impatience, j'ai attendu les retours de chacun sur ma préparation. Ils étaient élogieux. Un seul ne m'a pas donné son avis. Néanmoins, il a terminé son assiette et s'est resservi une seconde fois, je prends ça pour un compliment.

Ce matin, c'est le grand départ. Je rentre chez mon père. Et c'est seulement lorsque la voiture de Rafael s'arrête devant la grande demeure que je regrette de ne pas avoir forcé davantage pour engager la conversation avec lui. Que va-t-il se passer maintenant ? Comment vais-je faire pour arranger les choses ? Mon inexpérience me saute au visage et se moque de mon incapacité à arranger les choses. Tout est de ma faute, j'en ai bien conscience. Et donc en toute logique, il est de mon devoir de rattraper mes erreurs.

- Rafael je...

- Ce n'est pas le moment, Virgie.

- Je suis désolée, c'est tout.

- Les mots ne font pas tout.

- Alors laisse-moi te le prouver !

Il soupire, attrape la poignet d'une main ferme avant de sortir de l'habitacle tout en prenant soin de ne pas croiser mon regard implorant. Je l'imite sans rien n'ajouter. Cela ne servirait qu'à attiser sa colère, ce qui est à l'inverse de ce que je recherche. La porte passée et la traversée de l'entrée faite en silence, nous nous dirigeons vers ma chambre. Mon père n'est pas encore là mais ça ne saurait tarder. Devant la porte, Rafael croise les bras tout en fixant un point loin derrière mon épaule.

VIRGIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant