VIRGIE

Chapitre XXI

Aussi bleus que la mer que je rêve de voir. Incroyable. Ses yeux sont un substitut de qualité, je l'avoue. J'essaie tant bien que mal de soutenir son regard mais cela devient impossible. D'autant plus lorsque mon esprit se fait envahir par des centaines de scénarios, avec un Rafael plus chaud que la braise en tête d'affiche. Il a réussi à obtenir le premier rôle de mes pensées, sans grand effort. Intimidant, passionnant, troublant, éreintant et étouffant. Tant d'adjectifs existent pour définir le regard de Rafael à cet instant précis. Je ne compte même plus le nombre de fois où j'ai déglutis et mordillé mes lèvres de stress depuis que nous nous trouvons ici, tous les deux. Encore quelques minutes de plus de ce jeu de regard entre nous et je ne peux garantir que mon corps reste encore en place. La chaleur commence à me rendre moite et impatiente.

Après le dîner de présentations officielles qui s'est terminé comme il avait commencé, c'est-à-dire sous le signe de la superficialité, de l'hypocrisie et puis de l'incompréhension pour ma part, mon père a pris une décision, et pas des moindres. Il a annoncé qu'il fallait que je sois supervisée pour les derniers jours qu'il me reste avant le mariage. Nuit et jour. Et puis évidemment, pas par n'importe qui. Par le beau et l'incroyable garde du corps, avec lequel il semble avoir une confiance aveugle me concernant. Cela me fait doucement rire. Rien que la tension qui règne à cet instant précis dans ma chambre pourrait lui faire changer d'avis, voire lui faire licencier son bras droit préféré. Néanmoins, tant que nous sommes seuls, je laisse ce désir nous consumer un peu plus chaque seconde.

Voilà pourquoi Rafael se trouve ici, dans ma chambre, assis sur ma chaise préférée tandis que je suis assise sur mon lit, en face de lui. Il fait son devoir et respecte les ordres de mon paternel. Un type exemplaire, n'est-ce pas ?Nous n'avons presque rien échangé depuis que nous sommes ici, que ce soit des mots comme des sourires. Seulement des regards intenses qui me font trembler d'un peu partout. Je ne sais pas si cela lui plaît de passer ces quelques jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec moi. J'ai l'espoir que la réponse soit positive. Pour ma part, je suis ravie. C'est bien la première fois qu'une bonne idée sort de la cervelle de mon paternel, même si cela part d'une réflexion absolument dégradante. En effet, il pense sûrement que je vais profiter de mes derniers jours de célibat pour perdre ma virginité et m'amuser. Avec Rafael comme garde du corps, il est persuadé que rien ne se passera. Grand bien lui fasse.

Après un temps infini, immobile et plongée dans cette chaleur insoutenable, je me lève en soupirant bruyamment, à l'image d'un soufflet au fromage sortant du four. Comme si j'avais retenu mon souffle depuis que nous avons passés la porte de ma chambre - ce qui est le cas, à bien y réfléchir - je me dégonfle, au sens propre comme au sens figuré.

- Je vais prendre ma douche. Fais comme chez toi.

La seule réaction que j'obtiens ne ressemble qu'à un vague grognement accompagné d'une main paresseuse traînant sur son visage fatigué. Depuis quand n'a-t-il pas dormi ? Parce qu'il est évident qu'il n'a pas fermer l'œil depuis plusieurs nuits. Cela me rend anxieuse. Aussi, lorsque l'eau s'échoue sur mon corps quelques minutes plus tard, je lève la tête et laisse ces fragiles gouttes noyer mon visage. J'aimerais que l'eau me consume, m'aspire et me brûle pour que cette souffrance que je ressens dans le cœur depuis trop longtemps, s'apaise. J'augmente alors la température. L'eau est brûlante, mes muscles se détendent enfin. Je repense aux dernières semaines qui viennent de s'écouler et un seul événement me revient sans cesse à l'esprit, un seul événement se trouve être réellement important. Finalement, je ne retiens que cet événement-ci. Ma rencontre avec cet homme. Cet homme que j'aimerais amener avec moi jusqu'à l'autre bout du monde. Ma solitude pourrait presque en être vexée. Mon cœur se serre.

Alors que je coupe l'eau et sors de la douche, j'ai la délicieuse envie de jouer franc-jeu avec Rafael. Dans quelques jours, je serais mariée à un autre homme, à un ami. Je n'aurais plus le droit à ce genre d'effusion. Mais ce soir, je dois lui dire. Me livrer sur ce que je ressens. Lui faire comprendre ma maladresse. En réalité, jamais je ne me suis servie de lui. Si je n'avais pas été attirée par Raf dès le premier jour, jamais je ne lui aurais demandé de coucher avec moi. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu entre nous. Je ne le supporterai pas, tout simplement. D'un geste brusque, j'attrape la serviette blanche à ma droite et m'enroule à l'intérieur. Mes mains tremblent tandis que j'évite mon regard dans le miroir. Un seul coup d'œil et la trouille me rattraperait, je n'ai aucunement envie de vivre avec des regrets. Il est temps d'assumer.