Bonus 3 : "Nāla's safiros"

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Deux ans avant la rencontre entre Löy et Crysée...

Istram, cité de Lakmé

C'était une nuit de Nivôse. L'Olvor promenait son disque gelée dans le ciel étoilé de Lakmé, quelques nuées gansant sa silhouette. Il faisait froid, la neige recouvrait la terre de son manteau immaculé. Les flocons et le givre scintillaient dans l'espace et leurs cristals se paraient des lueurs vives du massacre qui y avait lieu.

Le feu. Le sang. De leur couleur pourpre, ils tachaient la nappe enneigée. Et les flocons tombaient toujours, insensibles aux cris et aux hurlements qui emplissaient l'air. C'était le chaos.

Des portes claquèrent, des vitres explosèrent. Les lanternes protectrices qui jadis encore veillaient sur le sommeil des plus jeunes moururent. On plaçait un doigt sur ses lèvres pour taire les sanglots. La porte éclatait, les soldats emplissaient la demeure. Et le massacre commençait.

Dans une ruelle sombre, la neige explosa en gerbes froides. Une silhouette poursuivait deux autres plus frêles. Elle réussit à les coincer dans un cul-de-sac et tendit la main. Un cri déchira l'air et le silence retomba.

Bruits de chaînes. Claquements des menottes aux poignets endoloris. La cité se parait d'une robe d'horreur. Sur sa montagne, elle convulsait, comme une mère écœurée par le cadavre de son enfant. L'agonie commençait : les lames fondaient sur les corps, les transperçaient. Les carreaux d'arbalète sifflaient. Les hommes en toge brandissaient le Livre du Culte et criaient au blasphème, à la malédiction.  Il appelait l'oppobre sur les habitants de Lakmé, et plus généralement, sur l'Empire d'Istram qui cautionnaient leurs pratiques.

Derrière les rideaux tirés d'une chaume de la citadelle, une femme soufflait en hâte sur la flamme d'une chandelle. La pièce se plongea dans un noir total, une fraction de seconde avant qu'un petit peleton ne défile sous les fenêtres. Parmi eux, un homme en toge, porté par un cheval d'un blanc immaculé, le Livre dans la main. Ses yeux onyx cerclés d'or firent le tour de la place, son regard de rapace glissa sur les toits désormais sinistrés de la citadelle de Lakmé. Puis il reprit sa course, les soldats sur ses talons.

La femme soupira, rampa en hâte jusqu'au sécrétaire de la pièce derrière lequel une enfant ravalait ses sanglots. Les yeux aussi sombre que ceux de sa mère, la jeune fille releva son visage ruisselant de larmes vers celle qui était désormais sa seule famille.

___ Ça va ils sont partis, souffla la femme en se calant derrière le meuble. As-tu éteint toutes les lumières ?

Les lèvres serrés, la petite acquiesça.

___ Où sont Ahuna et Caraé ?

___  Ils...n'ont pas eu le temps de me rejoindre, articula difficilement la jeune fille. Le soldat les a pris en chasse et grand frère m'a ordonné de me cacher.

Elle n'en dit pas plus, sous peine de fondre en larmes. La femme se tourna vers sa fille et passa sa main froide sur son visage glacé par la peur. L'Hivers en personne s'infiltrait dans la chaumière, et elles n'avait plus de feu pour se protéger du frimas.

___ Cesse de pleurer, tu vas nous faire repérer ! Ahuna et ton frère ne reviendrons pas ! C'est la dure réalité et tu dois l'accepter ! ( elle se redressa tandis que la petite baissait les yeux ) J'ai réussi à masquer ton Sigma mais l'Inquisiteur va certainement repasser. Tu dois partir.

Affolée, la jeune fille releva le visage vers sa mère. Elle avait toujours eu une empreinte spirituelle plus marquée que celle des autres, ce qui témoignait de sa puissance. Et avec son savoir, soit le quart de tout ce que son peuple avait découvert, cela faisait d'elle une cible de choix.

La sorcière de FocaliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant