Chapitre 2 _ La Ferme Du Chanceux

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" Il y a une légende à Magadãn qui dit que le violet dans le regard d'une personne témoigne d'une grande empathie et d'une vivacité d'esprit sans pareille". Clio à sa fille.

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Le jour se leva sur la petite ville de Focalia et, dans sa chambre, la petite Löy se réveillait. Elle était finalement parvenue à trouver le sommeil. Frottant ses yeux avec énergie, elle éleva paresseusement les paupières, une moue frustrée sur le visage, quand les rayons du soleil agressèrent ses pupilles.

__Réveillez-vous, Löy. Il est temps de se lever.

La gouvernante, une femme à la peau couleur d'ocre et aux yeux d'obsidienne, tirait vivement sur les rideaux, après avoir poussé les volets, ses petites oreilles de félin agitées par le froid. Elle se retourna ensuite prestement vers la petite et tout en effeuillant les articles de la penderie, annonça :

__Madame la Comtesse veut vous voir à table dans une demi-heure. Ensuite, vous devrez lire vos psaumes dans le salon du deuxième étage avant de vous préparer pour rentrer chez vos parents. Le chariot sera prêt deux heures avant midi.

Sur ses propos, elle posa délicatement une écharpe soigneusement pliée, un tricot, un rahi* et une cotte sur un tabouret et s'éclipsa. Löy se leva alors et se dirigea vers une commode au fond de la pièce où se tenait une vasque d'eau claire. Elle se débarbouilla et loucha sur son reflet dans la glace embuée. Puis, elle enfila les vêtements sortis par la gouvernante, des socquettes doublées d'une peau de chèvre et une paire de gants blanches. Dans le couloir, deux employés du manoir nettoyaient consciencieusement les vitres des très larges fenêtres en utilisant de petites échelles pour atteindre les carreaux les plus perchés. Löy les salua respectueusement et s'engagea dans le corridor, au croisement d'un autre couloir.

En descendant les marches de l'escalier, elle jeta un œil par une de larges fenêtres et constata que le verglas avait encore une fois recouvert les vitres. Un froid mordant régnait dans le hall que la jeune fille traversa en trottinant. Enfin, elle poussa la lourde porte de la salle à manger et pénétra dans la salle chauffée, décorée et luxueusement meublée. L'acoustophone** diffusait des notes monocorde, tandis que les viennoiseries disposées sur la table embaumaient l'air.

Löy salua sa tante puis s'installa pour déjeuner aux côtés de sa tante qui ne cessait de papoter en gesticulant. Löy l'écoutait d'une oreille, ses yeux violets vagabondant dans la salle.

__À propos, dit-elle à un moment, as-tu bien copier tes glyphes avant de te coucher ?

__Oui, ma tante.

__C'est très bien. Il faudra aussi que tu fasses tes devoirs d'algèbre et que tu lise tes psaumes avant de rentrer chez tes parents.

__Oui, ma tante.

Depuis longtemps, Löy connaissait cette réponse imparable à tout ce que pouvait déblatérer la comtesse.

__Une fois à la ferme, je voudrais que tu me fasse une petite commission et que tu demande à ta mère de m'emballer trois lés de fourrure. C'est pour confectionner des gants et j'enverrai quelqu'un pour les chercher. Tu as bien compris ?

__Oui ma tante.

La Comtesse porta sa tasse à ses lèvres de ses petits doigts fins.

__Termine vite de manger et ensuite tu iras...

__Lire mes psaumes dans le salon de thé, compléta la jeune fille d'une voix monocorde en relevant ses iris vers la Comtesse. Je sais vous me l'avez déjà dit, ma tante.

Et à force, cela devenait agaçant et même stressant. La Comtesse se redressa en abandonnant la moitié de son petit-déjeuner et soupira.

__Oui, c'est vrai je me répète. Mais je ne tiens pas à ce que tu oublies, hein ?  Quand tu aura finit, et s'il est encore assez tôt, tu as le droit de sortir dans la cour.

Elle se pencha et déposa un baiser sur le front de la jeune fille qui lui sourit. Elle se dirigea ensuite vers la grande porte et sortit en marmonnant et gesticulant, comme à son habitude. Löy termina de manger et monta au deuxième étage. Elle longea le couloir, poussa la porte du salon et s'installa dans un fauteuil, en face du guéridon qui faisait face aux autres canapés. Comme d'habitude, quelqu'un avait déposé son florilège sur celui-ci, sempiternellement oublié dans sa chambre. Elle se s'en saisit et commença à lire ses psaumes.

Au bout d'une heure, elle avait terminé sa lecture et ses devoirs. Elle reposa son livre intitulé et sortit du salon en courant.

Les différents serviteurs du manoir s'activaient dans la fraicheur presque brumeuse de cette fin de Frimaire, le nez rougi par le froid. Löy ajusta son écharpe et retroussa ses doigts dans ses gants souples en expulsant un souffle glacé. Dehors le ciel était très morne et les rayons du soleil n'illuminaient presque pas la place. C'était ainsi depuis des siècles : petit à petit, le climat des périodes froides se corsait à mesure que les autres terres de la régions dépérissaient à cause de la sécheresse et de la famine. Ce n'était pas général mais les gens disaient que c'était parce qu'il n'y avait jamais assez de semoule que les petits paysans mourraient et que le ciel chez eux devenait triste.

La jeune fille détala vers le jardin aux pavés couvert de verglas. Les allées étaient déblayés, mais les parterres croulaient encore sous la gadoue et la grêle qui s'étaient légèrement abattue sur la région. Les Aviniar avaient fait poussé plusieurs parterres de fleurs qui survivaient magiquement au froid dans leur jardins.

Löy se fondit dans la masse des serviteurs et s'improvisa successivement : laveuse de carreaux, déblayeuse, et marmiton. Puis, alors qu'elle apprenait au près du cuisinier comment émietter une gousse d'ail à la vitesse grand V, la gouvernante vint la chercher :

__Il est l'heure de vous préparez, la Comtesse vous attends sous le parvis.

La Comtesse l'attendait près du chariot et lui dicta ses dernières recommandations :

__Tiens-toi bien sage durant le voyage et évite de trop flâner près du marche-pied. Le cocher va te déposer devant ta ferme et tu salueras tes parents de ma part. Tu as ton florilège ? Bien. Maintenant, passe un bon voyage, ma petite et à très bientôt.

Elle l'embrassa et l'aida à se hisser sous la bâche du charriot qui s'ébranla sur les pavés glacés. Une dernière fois, Löy regarda en direction de la forêt puis de la guillotine et, non sans frémir, elle repensa à la femme de la veille. Son chien avait été retrouvé mort ce matin. C'était étrange.

Le chariot  trottina à travers le hameau. Le voyage dura assez longtemps et ils contournèrent une partie du bois avant de débarquer dans la plaine

Là, la ferme du Chanceux se dessina dans le creux du val, entouré par les collines qui bordaient la région et la forêt. Bientôt, il atteignirent la clôture, en bordure de la route qui faisait face à la forêt. Löy descendit, le cocher l'aida à bien débarquer puis reprit la route.

Se retournant vers la ferme de ses parents, la petite sourit. Elle était de retour chez elle.

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*rahi = pantalon traditionnel orné de lisérés et d'arabesques.

**acoustophone = boite à musique rectangulaire au levier automatique inventée le plus grand inventeur de tout l'empire. Il a participé à la création de l'Académie des Inventeurs, L'Inventarium.

La sorcière de FocaliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant