La sorcière de Focalia

Bonus 4 : L'arme & L'esprit

Quatre ans après le départ de Crysée...

Vulcaine,

La nuit recouvrait la ville de son voile sombre constellée d'étoiles. Gara ou la Lune de Brume illuminait le ciel de son croissant vert glacé. La lune se faisait toute petite derrière les nuages et une fine brise annonçait le début de l'automne.

Sur le petit pont d'un jardin aux fleurs époustouflantes, une jeune fille avança jusqu'au bord du bassin et lâcha une lanterne extrêmement légère qui se mit à s'élever pour rejoindre des centaines d'autres qui flottaient dans le ciel de la cité. À l'intérieur, des parchemins gravés de noms d'amis, de connaissances que l'on souhaitaient préservés, le tout brûlant dans des amaryllis odorantes.

Vulcaine était en effervescence. On avait illuminé les réverbères des candélabres de couleurs chaudes et au dessus de la ville, flottants comme des étoiles suspendues dans l'espace, des centaines de lanternes diffusant une douce lueur jaune piquetaient le ciel de lumière. C'était le soir des amaryllis, la fête de l'amitié, où on allumait un luminaire ou une chandelle en l'honneur de ses amis.

C'était un jour spéciale pour les Avinair car leur manoir accueillait le roi et sa famille. Une grande réception avait été organisé dans le somptueux salon. Les invités évoluaient autour de buffets croulants de crudités, de chutes de chocolats, de vasques aux contenus alléchants et de châteaux de flûtes. Des lustres aux chandeliers noirs illuminaient la pièce. Deux acoustophones, jouant l'un après l'autre, diffusaient de leurs boîtes à musique soit une mélodie soit un slow. Une atmosphère indolente et festive parcourait l'air.

Une flûte de jus de grenade à la main, Löy était là. Au bras du charmant Enzo, elle se prélassant avec plaisir dans ce petit luxe royal qui faisait encore plus rutiler son bonheur. En effet, après deux ans de doutes, d'incertitudes, d'indécision, d'essais ratés, de chassés-croisés, elle et Enzo avaient fini par se mettre ensemble. Ils s'étaient revu à une soirée au palais, puis s'étaient rencontrés dans la vallée, au cours d'une expédition équestre. Et au fil de ces rencontres, les deux jeunes gens avaient appris à se connaître, allant de surprise en surprise, amusés et intrigués par leurs similitudes.

Ils vivaient donc depuis deux ans un bonheur un peu juvénile, amis et un peu plus, confidents et soutien mutuel. Löy lui avait parlé de ses parents, de sa vie à elle mais aussi de Crysée. Elle l'a lui avait présenté d'abord comme une amie perdue de vue, mais qu'elle espérait revoir. Puis, s'apercevant de son absence d'à priori et de son ouverture d'esprit, elle lui avait avoué toute l'histoire. Enzo était donc devenu son confident, le seul à qui elle en parlais et le seul, avec ses parents, qui fut au courant.

En outre, le jeune homme était un farceur né et un grand taquin. Son humour un peu déplacé selon son entourage et sa nonchalance insultante_ d'après les mots de sa sœur_ amusait beaucoup la jeune adolescente. Il était parfois lourd, mais elle l'était tout aussi avec sa manie à vouloir toujours donner son opinion. Ils parvenaient donc à parfaitement se tolérer.

Remontant la vallée vers la montagne, une silhouette encapuchonnée glissait dans l'ombre. Elle longea la longueur de la forêt, sous les lunes, et regagna Vulcaine dans une discrétion totale. Aux portails du manoir, à la lisière de la ville, les gardes tombèrent soudain de sommeil, sous les relents verts d'une fiole ouverte.

La silhouette féminine traversa ainsi la propriété, marmonnant un air lointain, un peu triste un peu épique, entre élégie et épopée.

Dans la grande salle, on ne se doutait de rien. Et quand les deux portes s'ouvrirent en grand, que les chandelles vacillèrent et que la température chuta, ce fut la panique. Figés de frayeur, les convives fixaient la majestueuse femme qui venait d'apparaître derrière les portes à double battants. Certains se préparaient déjà à un affrontement, Enzo se plaça devant Löy, muette et interloquée.