Diane rouge

Épilogue

         Dans un village reculé, dans des temps quelques peu plus récents, se regroupaient des enfants autour d'une vieille femme. Celle-ci récitait chaque jour un conte, une histoire fantastique,  une aventure incroyable ou une épopée à couper le souffle. Assise sur la base d'un arbre coupé, les enfants attendaient, suspendus à ses lèvres le temps d'oublier les tracas quotidiens ou les travaux de la ferme. Personne au village n'aurait put dire si elle avait déjà répété deux fois la même histoire. La vieille dame épousseta son tablier de travail usé et rapiécé de ses longs doigts noueux et plissé. Ses cheveux devenus blancs au fil des ans étaient maintenus dans une longue natte ample qu'elle ramenait sur son épaule gauche par habitude. Elle toussota pour ménager son effet et impatienter les plus jeunes assis dans la terre et la poussière. Sa gorge pleine de ride et de plis était couvert d'anciennes cicatrices inconnues, on pouvait même en apercevoir une qui remontait sur une joue. Elle joignit ses mains.

            La doyenne commença son récit. Il commençait dans une petite maisonnette perdue dans les bois où vivait le plus fort et sage des magiciens. Il s'ennuyait, car il n'avait plus rien à apprendre, et tout savoir l'ennuyait profondément. Un nymphe du fleuve le plus proche entendit sa plainte et entreprit comme mission personnelle de le divertir. Malheureusement, toutes ses danses, ses chants, et ses jeux ne parvenaient à faire sortir le magicien de sa morosité. Il suivait sans grand enthousiasme ou attention les faits et gestes de la jeune fille. Un jour elle lui fit une demande singulière. Elle demandait à ce sorcier de lui offrir un présent que seul quelqu'un qui ne savait rien aurait voulu. Étonné par la demande il s'exécuta, cherchant jour et nuit dans ses livres, sa mémoire et sa magie. Il apporta fleur, bijoux, et nourritures à la nymphe qui les refusa tous trouvant diverses prétextes. Après un mois de recherche approfondis, il montra les plus grands et beaux tours de magie existant en ce monde, la nymphe le regarda avec admiration mais répondait systématiquement que ce n'était pas ça. Agacé, il refusa tout simplement de voir la femme. Des jours et des nuits se perdirent dans le temps. Le magicien, alors qu'il cueillait des cèpes pour son repas ou autre décoction mystérieuse eu soudain la réponse. Il savait ce qu'il devait offrir à la nymphe.

          La voix rocailleuse de la vieille femme s'arrêta. Tous les enfants protestèrent, contrariés de voir s'arrêter le conte au moment le plus palpitant. C'est après qu'ils virent un fringuant jeune homme traverser le tapis d'enfant. Il était habillé d'une étrange manière. Une chemise rouge aux manches bouffantes, revêtu d'une veste de lin qui descendait jusqu'à ses genoux, cintré par une épaisse ceinture à trois rangées de trous, où pendouillait un fourreau de dague, sans dague. Des sandales romaines et un pantalon de paysans composaient le bas de ce personnage haut en couleurs. Une de ses oreilles était percée arborant un pendentif complexe sur le lobe puis qui s'affinait en une myriade d'anneau minuscule à la couleur d'or. Ses cheveux châtains brillaient sous l'étrange turban pourpre qu'il portait. Les enfants se turent progressivement puis définitivement quand le jeune homme planta ses pieds devant la vieille dame. Elle dit aux enfants d'un ton sec et sans appel d'aller retrouver leurs parents, et que la fin du conte serait demain. Tous partirent sans protester.

           Tous deux attendirent que les voix deviennent murmures puis le jeune homme commenta:

-Eh bien! Toi conteuse? Je ne l'aurais jamais imaginé!

-Et toi, ton accoutrement passe partout? Inimaginable.

Ils sourirent mutuellement, l'un faisant miroiter une faussette, l'autre les rides grandissantes et marquées par le dur labeur des champs.

-Drôle de façon de saluer de vieille connaissance tu ne crois pas? ricana la vieille femme.

-Si sûrement, mais je ne comptais pas faire des retrouvailles normales.