Et soudain... [Terminée]

23. Une histoire de cœurs

Dès notre réveil, Lola m'a informée qu'elle repartait chez ses parents pour le week-end, parce qu'elle les voit plus trop en ce moment – en partie à cause de moi, même si elle ne veut pas l'admettre. De mon côté, j'ai décidé de prendre le petit-déjeuner sur mon balcon, à l'ombre du soleil et de la chaleur écrasante qui se fait déjà ressentir.

Tout en buvant mon café, je me laisse porter par une playlist de rock que j'ai lancé sur mon enceinte portable et, très vite, je me perds dans mes pensées. J'attrape mon téléphone et tente d'appeler Léo, mais je tombe sur sa messagerie ; il doit sûrement travailler. Sans trop savoir pourquoi, je finis par chercher son nom sur les réseaux sociaux, en vain. Il n'y a aucun Léo Roche dans la région, ses parents n'y figurent pas non plus et je n'ai pas plus d'information quant à l'endroit où il habitait durant toutes ces années. On dirait presque qu'il n'existe pas sur la toile. Je me retrouve donc bloquée. J'aimerais le voir, même juste sur une photo, il me manque, je crois.

Piquée par la curiosité, je parcours encore quelques instants internet, mais ça ne mène à rien. Ses parents, pourtant connus par ici, sont introuvables ; il n'y a aucun article récent les évoquant, aucune photo d'eux, comme si... tout avait été supprimé, ou comme s'ils avaient disparu de la surface de la Terre. L'unique article parlant de la famille Roche date d'il y a quatre ans et demi ; il relate de l'un des nombreux scandales qu'a produit le père de Léo à cause de l'argent qu'il devait à tout le monde.

Mon père lui avait prêté près de 35 000 € un jour, pour le sortir du bourbier dans lequel il s'était mis. Monsieur Roche avait promis de le rembourser, c'était il y a six ans. Mon père avait fini par lâcher l'affaire, il s'était rendu compte que cet homme était une cause perdue, mais il ne lui en a pas voulu, et a continué à lui parler et comme si rien ne s'était jamais passé. Monsieur Roche a emprunté tellement d'argent à tant de personnes, que je pense sincèrement qu'il ne sait plus qui il a remboursé ou escroqué.

Je termine un croissant que j'ai entamé plus tôt lorsque l'écran de mon téléphone ainsi qu'une vibration m'interpellent :

Salut, Mandy. Est-ce que je peux te voir cet après-midi s'il te plaît ? J'ai besoin de te parler de quelque chose d'important.

J'aurais tant aimé que ce message vienne de Léo, qu'il me dise enfin la vérité sur son départ, son silence. Je ne me suis encore pas décidée à aller lui demander des explications, pourtant ça devient urgent, je dois vraiment le faire.

Je réponds à mon interlocuteur en indiquant une heure et un lieu, puis rassemble mes affaires.

Je pars ensuite me préparer pour sortir cet après-midi et après tout ça je m'installe face à mon ordinateur. Je ne sais pas bien pourquoi je me retrouve à parcourir nos photos de famille alors que je comptais simplement regarder des vidéos sur YouTube, mais les faits sont là. Devant mes yeux défilent des centaines de clichés, tous plus joyeux les uns que les autres, rappelant à quel point nous étions une famille heureuse malgré les aléas. Des souvenirs de vacances aux randonnées, j'ai canardé ma famille pas moins de mille fois ces trois dernières années.

Je finis par tomber sur ma photo préférée ; on est tous là, avec Pepsi, au plus haut sommet d'une montagne. On est tous fatigués, parce qu'on a grimpé pas moins de quatre heures pour atteindre ce pic. Nos tentes sont installées pour la nuit et ma mère s'essaye à faire du feu pour cuire des saucisses. Ce qui rend cette photo spéciale, c'est que mon père joue avec ma sœur, qui avait tout juste trois ans à l'époque. Cette fois-là, il n'avait pas crié quand Cathy en avait eu assez de marcher et qu'il avait fallu la porter. Il avait été fier de la voir gambader seule à travers les champs et la forêt. Il avait même eu peur pour elle quand elle était tombée près d'un ravin et il avait aussi pansé ses blessures. Ce jour-là avait été la seule fois où il l'avait aimée et considérée comme sa fille. C'est pour ça que j'adore cette photo.