Et soudain... [Terminée]

19. Le goût de la vie

J'ouvre les yeux – seule partie de mon corps hors de mes draps – et je regarde l'unique endroit de ma chambre qui m'est visible sans me mouvoir : le sol. Une bouteille de tequila fermée est posée par terre. À côté de celle-ci, un verre à pied renversé dont le contenu a formé une tache rosée sur la moquette.

Je porte mon attention sur ma table de chevet, une bouteille de vin rouge luxueuse y trône, le bouchon dévissé. Au vu du contenu, je n'ai pas bu plus d'un verre. Mon père aurait pu me tuer pour avoir touché à cette bouteille. Je chasse rapidement cette pensée de ma tête, j'ai eu ma dose de pleurs pour la semaine.

Je me lève et ramasse le verre, je le remplis d'eau dans la salle de bains, le vide d'une traite et me ressers, j'attrape mon smartphone sur ma table de chevet et je sors sur mon balcon. L'alcool m'a complètement déshydratée.

Je hume l'air frais du matin, et regarde autour de moi. Le ciel s'est éclairci et les oiseaux chantent de nouveau. Le sol finit de sécher, quelques flaques bordent encore les chemins, offrant un bain aux moineaux. Accoudée à la rambarde, mon verre à la main, je profite de ce moment de calme et d'apaisement. Deux jours que je n'ai pas donné signe de vie, mais ça m'importe peu pour le moment. Il y a quand même une personne a qui j'aimerais donner et demander des nouvelles.

Moi : Bonjour. Désolée de ne pas avoir écrit plus tôt, je n'étais vraiment pas en état... J'espère que Cathy va bien...

Lorianna : Bonjour Amanda. Cathy pleure quelques fois le soir avant de dormir, mais sinon ça va. Elle ne comprend pas encore tout à fait ce qu'il se passe. Prends le temps qu'il te faut pour aller mieux, je m'occupe d'elle.

Cela me brise le cœur de la savoir loin de moi, mais je sais que je ne supporterai pas son regard, elle me fait tellement penser à maman... Et je ne suis pas encore prête à sortir de chez moi.

Le brouhaha des oiseaux contribuant à mon agacement, je rentre et je rejoins le rez-de-chaussée, abandonnant les bouteilles d'alcool dans ma chambre. Ça fait déjà une semaine que je déprime, seule. J'ai laissé la vaisselle s'entasser – bien que je n'aie pas réellement mangé de vrais repas depuis un moment –, mon linge sale déborde du panier et l'état de la maison laisse à désirer. Léo a bien fait un peu de rangement l'autre jour, mais ça n'a pas suffi. Mais la vérité est que je n'en ai rien à faire. Depuis quelques jours, ma vie se résume à me traîner de mon canapé à mon lit tout en buvant et en grignotant. Je n'ai aucune envie de voir des gens, mes amis essaieraient sans doute de me changer les idées, Lola, à me faire la morale et ça, non merci.

Je sors prendre le courrier dans la boîte aux lettres qui déborde et pose le tas sur la table de la cuisine. Je me prépare du café lorsque je reçois un SMS de Tobias. Qu'est-ce qu'il me veut celui-là ? Je n'ai pas la tête à régler ses histoires de cœur. D'ailleurs, je n'ai toujours aucun message de Lola s'excusant de ce qu'elle a dit. Si elle pense que je vais faire le premier pas, elle peut toujours courir !

Je prends une des dernières tasses propres dans le placard et je la remplis de café. Une fois installée à table, j'ouvre le SMS :

Tobias : Salut, ma belle. J'espère que ça va. Je t'ai pas revu depuis l'enterrement. Je sais, j'ai attendu plusieurs jours pour te parler, mais je savais pas trop quoi dire... Je pensais passer aujourd'hui... Pour tenter de te faire sourire, pourquoi pas ? Lola m'a raconté votre embrouille, elle est dans le mal, rappelle-la. Bisous.

Un frisson de dégoût me parcourt. Je sais que Tobias m'a toujours aimée au fond de lui, mais il ne m'a jamais appelée par des petits noms. Et en plus, il est censé être amoureux de Lola maintenant. Mais peut-être que je m'emballe, il a sûrement employé ces mots pour être gentil en ces temps difficiles.