Même dehors

OS n°2 : Escapades 2/

Vendredi, 19h35, Paris

— Excuse-moi, est-ce qu'on peut prendre une photo ?

Harry sourit à son interlocutrice, une jeune fille rousse d'une quinzaine d'années, tout au plus. Il accepte, il a l'habitude. Il se trouverait égoïste de refuser, et peut-être que, plus sincèrement encore, il aime être sous le feu des projecteurs. Un selfie, ça n'a jamais tué personne.

— Moi aussi, je peux ?

Deux selfies n'ont jamais tué personne.

— Bien sûr.

Harry reprend la pause, à côté d'une brune, cette fois-ci. Elle passe timidement son bras autour de sa taille et il la sent trembler quand elle le fait. Son sourire est crispé et son doigt peine à appuyer sur le bouton rouge.

— Je vais la prendre, lui assure-t-il.

Le bouclé récupère l'iPhone, la photo est mieux cadrée et la fan semble aux anges. La brune le remercie mille fois, avant que la première fille ajoute à son attention :

— Tu sais, on a détesté ce que Mathias et Ben ont dit sur le plateau de Pas touche à mon écran, on vous croit, Louis et toi. Vous êtes vrais, et c'est ça qu'on aime chez vous.

— Merci beaucoup.

Ça le touche, et ces deux filles ne sont pas les premières à avoir pris leur défense. Après la diffusion de l'émission, les deux chroniqueurs ont été décriés par leurs fans. Le bouclé n'a pas trop de chagrin pour eux. Déjà, parce que ce sont des connards, donc ils le méritent. Ensuite, parce qu'ils sauront tôt ou tard se faire pardonner... jusqu'à leurs prochaines conneries.

— Les filles, je dois filer, les prévient-il.

— Tu vas retrouver Louis ? demande la brune, audacieuse.

Ses yeux pétillent, clairement. Parfois, ça lui fait peur tout ça. De savoir que des milliers de personnes vivent son histoire par procuration. Il essaie de ne pas trouver ça bizarre, il se dit que ce sont des romantiques, mais quand même... Peut-être que c'est un peu malsain, cette appropriation de leur histoire qu'elles se font toutes.

— Exactement, il m'attend pour dîner.

— On ne te retient pas alors ! s'exclame la première fille.

Harry les salue une énième fois et s'éclipse par de grandes enjambées. Il sait ce qu'il va se passer. Les deux fans vont poster leurs photos, certainement indiquer leur position, alors il ferait mieux de filer à toute vitesse avant qu'une horde débarque.

Il hèle un taxi dans la rue. Tant pis, il voulait rentrer à pied, mais il ne veut pas prendre de risque inutile.

Le trajet passe vite. Il est content, il est tombé sur un chauffeur qui ne semble pas avoir allumé sa TV depuis les années 80. L'homme aux cheveux grisonnants n'a aucune idée de qui est installé sur la banquette arrière.

Ou il s'en branle.

C'est une option, aussi.

Le taxi se gare devant la porte de son immeuble, le bouclé paie et s'extirpe du véhicule pour rejoindre son appartement. C'est toujours quelque chose qu'il fait rapidement, rentrer chez lui. Il préfère éviter de croiser des fans ici, il manquerait plus qu'elles les attendent à la porte...

— Louis ! appelle-t-il en pénétrant dans leur studio parisien. Je suis là.

Aucune réponse. C'est assez étrange, généralement, Louis rentre bien avant lui. Et généralement, Harry s'empresse de le retrouver pour l'embrasser. Alors Louis n'est jamais très loin de la porte à ce moment-là, même s'il fait semblant de trouver ça ridicule.