OS n°2 : Escapades 8/

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Samedi, 7h10, quelque part sur la route


Li a les mains serrées sur le volant. Elle n'aime pas trop conduire, elle ne se sent pas en sécurité sur la route, mais elle a fait l'effort pour Harry. À la pensée du bouclé, Li tente un bref regard sur sa droite.

Elle est soulagée de constater qu'Harry a fini par s'endormir. Hier soir, après qu'elle l'ait rejoint sur Paris, ils sont partis en trombe chez un de ses amis. Un gars de la radio qui n'a pas tant cherché à comprendre pourquoi il devait leur prêter sa caisse en plein milieu de la nuit.

Harry a conduit une bonne partie du trajet, descendant l'autoroute du sud. C'est vers cinq heures du matin que Li s'est proposée de prendre la relève. Harry ne voulait pas, mais elle a insisté. La fatigue, et surtout l'angoisse de n'avoir toujours aucune nouvelle de Louis, ont eu raison de lui et il a cédé.

Li se concentre sur la route, elle a éteint la radio pour qu'Harry puisse dormir, mais c'est bientôt elle que le sommeil est en train d'envelopper. Elle scrute les panneaux, ils devraient peut-être s'arrêter ? Le jour se lève, ils pourraient prendre un café et se reposer un peu. Et puis, de toute façon, ils arrivent à destination, ils ont pris la route de Périgueux. La seule chose qu'ils savent sur la communauté de Louis, c'est qu'elle est située quelque part dans une forêt, en Dordogne. De minces informations, mais ils y verront sûrement plus clair une fois qu'ils se seront posés pour reprendre leurs esprits.

Li prend une route à gauche. Un village est indiqué, elle espère tomber sur une boulangerie. Elle imagine déjà l'odeur des croissants chauds venir titiller ses narines. Bientôt, quelques bâtisses de pierre se dessinent. Les ruelles sont étroites, fleuries. C'est joli. Mais Li se ressaisit, elle n'est pas là pour faire du tourisme. La brune prend la direction de l'église, il n'y a pas d'indication, mais elle aperçoit le clocher qui surplombe le village. Elle se dit qu'il y aura bien un parking dans le coin.

Elle a vu juste. Il y a une petite place devant l'édifice religieux, avec quelques stationnements. Li se gare tranquillement, soulagée d'éteindre le moteur. Harry dort encore. Elle ne veut pas le réveiller et s'extirpe délicatement du véhicule. Elle ne referme pas la portière pour ne pas la claquer. Li étire son dos, lançant un bref coup d'œil autour d'elle. La place est vide, hormis un PMU éclairé au coin d'une rue. Avant, il devait y avoir des magasins ; une petite supérette, une boulangerie, un coiffeur... Elle le devine à la devanture de certaines vitrines. Or les rideaux sont baissés, et des planches de bois couvrent des portes scellées. Li n'est pas tant surprise. Dans le village de son père, la vie aussi y a disparu. Les commerces ont déserté pour les plus grandes villes. C'est triste, le vide.

La brune fait quelques pas au milieu de la place pour se dégourdir les jambes. Elle resserre son gilet sur sa taille. Il fait un peu frais, Li apprécie la brise du matin, l'air encore pur de la nuit passée, le silence... C'est une drôle de sensation. Comme quand on est restés sans parler pendant un long moment, on n'ose plus ouvrir la bouche, on se demande même quel son pourrait bien sortir de nos lèvres. L'aube, c'est un peu pareil. Elle balbutie, elle ne sait plus bien quoi dire, après toutes ces heures tues dans l'obscurité de la nuit.

Un raclement de gorge la sort de ses pensées. Li se retourne, apercevant Harry arriver d'un pas lent vers elle. Le bouclé passe une main dans ses cheveux, ses yeux sont cernés, et à peine ouverts, comme si le sommeil ne l'avait pas encore tout à fait quitté.

— Ça va ? demande-t-il, d'une voix rauque, légèrement cassée.

— Ça va, confirme-t-elle.

— Je me suis endormi, ajoute-t-il, penaud. Je suis désolé, la route n'a pas été trop difficile ?

— Non, ment-elle.

Même dehorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant