OS n°2 : Escapades 6/

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Samedi, 0h12, Dordogne


Il fait noir. C'est actuellement la seule chose à laquelle Louis arrive à réfléchir sereinement. Et sereinement est un bien grand mot.

Ses pensées s'empilent, se heurtent et sont tellement nombreuses que seule une, absurde, domine : il fait noir.

Louis ne voit rien, ou seulement ce que les phares de sa voiture et la lune illuminent, c'est-à-dire pas grand-chose. Pourtant, son corps ressent l'endroit. Il ressent les graviers qui font grincer les pneus, il ressent la lourde porte en chêne au loin qui s'ouvre dans un bruit fracassant, oui, Louis ressent tout. Et il ressent surtout qu'il ne devrait pas être là, son corps, toujours lui ordonne de fuir, de partir si loin et si vite qu'il pourrait se mentir et penser n'être jamais venu.

Le froid lui donne la chair de poule, et s'il pouvait bouger, sans doute qu'il réchaufferait ses bras nus. Mais il n'est est pas capable, il reste figé, laissant le temps à son esprit de comprendre ce qu'il fait là et ce qu'il veut.

Est-ce qu'il veut vraiment s'enfuir ?

S'il bouge les yeux vers la gauche, il aperçoit des points lumineux. Minuit et des gens sont encore debout ? Sans doute le conseil des plus anciens, pense Louis avant de se reprendre. Il ne fait plus partie de ce monde, il devrait avoir tout oublié, mais s'il est honnête, c'est inscrit dans sa chair. Il pense à ses sœurs, ses frères, à Lottie surtout, elle non plus n'a rien oublié. Pourtant, ils n'en ont pas parlé après. De leur mère ça oui bien sûr, ils en ont parlé, beaucoup même. Lou se fait un devoir de raccrocher les souvenirs, de les tenir éveillés, mais de ça, le quotidien, les habitudes, ils n'en parlent pas. Combien de fois se sont-ils réveillés à 6 h 40, se retrouvant dans la cuisine, agissant comme si rien d'autre que la motivation ne les poussait à se lever aussi tôt ?

Pourquoi Louis a le sentiment de vouloir commettre une erreur ?

La nuit semble devenir plus sombre au rythme des pensées du brun. Toujours se remettre en question, toujours penser : "et si j'avais fait cela au lieu de ceci" ? Pendant longtemps, il a tout repoussé, mais pourtant il est là. Sans doute que la psychologue de Lottie lui parlerait de voyage initiatique.

Il soupire, souriant un peu, il disait qu'il n'en avait pas besoin lui, de psy, il n'a vu personne. Il s'est guéri seul, en observant sa famille se reconstruire, en trouvant un nouveau sens à sa vie. Il a trouvé Harry aussi plus tard, il s'est trouvé, lui. Non, vraiment, il pensait n'avoir besoin de rien.

« Et pourtant, tu es là, » susurre une voix intérieure.

Et pourtant, il est là.

Sa respiration se fait plus profonde et ses doigts se détachent lentement du volant, il sait que son subconscient le pousse à bouger, pourtant il n'arrive pas à se faire à l'idée qu'il va pousser cette porte. Parce qu'il sait que sa décision est prise au fond de lui.

La porte de la voiture se ferme dans un son élégant et sa main se crispe un instant sur la portière, comme une dernière bouée de secours, mais puisque Louis avance, il finit par la lâcher. Il sait qu'il se rapproche et voit les phares s'éteindre, il doit avoir fermé la voiture.

Le froid l'enveloppe complètement cette fois, la température ne doit pas être si basse, mais c'est ce qu'il ressent. Il est gelé et il a l'impression que la poignée dorée l'est aussi.

Il l'effleure un instant avant de se reculer, il n'est pas stupide, il sait qu'elle est fermée, alors il se tourne lentement vers l'interrupteur et parvient à lever suffisamment le bras pour laisser son majeur appuyer sur le bouton.

Même dehorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant