Vendredi, 20h40, Paris
Billy est de bonne humeur.
Et oui, c'est un fait assez marquant pour être souligné. Ces derniers temps, il était maussade, un peu à côté de ses pompes, plus très sûr de se rappeler en quoi sa vie de finaliste post-Secret Story était incroyable.
Le blond se tient face au miroir de sa salle de bain. D'un coup de main, il ôte la buée de la glace et observe son reflet. Ses cheveux ont un peu poussé, il pense que Li appréciera l'effet que les boucles ont, dorénavant, tombant juste au-dessus de ses épaules carrées. Il s'est rasé, de près, dans la douche. Il veut avoir l'air sérieux.
D'accord, ce n'est pas la première fois qu'il va rencontrer Darshan, mais tout de même... Autant donner une bonne impression, vu ce que sa fille doit raconter sur son compte. Quoique, il connaît bien Li. Billy doute qu'elle soit capable de dire du mal sur lui, malgré qu'il en est fait. Les journaux à sensation et les réseaux sociaux s'en chargent plutôt bien pour elle, à chaque frasque nocturne. Plus qu'à espérer que Darshan ne soit pas du genre connecté.
Billy rit à cette pensée. L'homme boit du thé Matcha, se nourrit exclusivement de boulgour et passe tout son temps libre en position du lotus dans son jardin, clairement, s'il est connecté, c'est avec Dame Nature et puis c'est tout.
Le blond sort de sa salle de bain, un peu rassuré sur ce qui l'attend. Sur la table basse, dans son salon, trône son billet de train pour Aix-en-Provence. Il part demain matin, dès sept heures. Li et son père l'attendront à la gare. Il aurait pu y aller en moto, mais il s'est raisonné. De Paris, il y a plus de huit heures de route.
Billy s'affale dans son canapé. Sa valise est prête depuis longtemps. Ça fait un mois qu'il n'a pas vu Li. La dernière fois, c'était lors du tournage de Pas touche à mon écran. Pas une réussite, mais pas un échec non plus. Billy a senti qu'il se passait encore quelque chose entre eux, la flamme n'était pas éteinte. Elle chancelait, mais elle brillait. Il s'y est accroché.
Ils se sont appelés, plus d'une fois, après l'émission. Sauf que ça finissait toujours pareil : des reproches, des reproches, des reproches. Li raccrochait avant de dire des mots qu'elle regretterait. Billy n'avait jamais cette présence d'esprit. Alors, après coup, il s'excusait, il rampait. Lui. Ramper. Et Li qui devait tout raconter à Louis, dans son dos, ça le rendait malade d'y penser, mais le blond était quand même prêt à le faire.
Après plusieurs appels qui en finissaient toujours au même point, Li lui a proposé de passer chez son père. Un moment rien que tous les deux, pour discuter, face à face. Billy n'a pas beaucoup hésité et s'est pris des vacances pour le sud de la France. Aller simple. Il est le patron de son agence immobilière, pas bien compliqué.
Le garçon se penche vers sa table basse, récupérant son billet de train. Il se dit que c'est bon signe, qu'elle l'ait invité à venir chez lui. Connaissant Li, c'est une marque de confiance de le faire venir dans sa bulle. Après, il y a une autre voix dans sa tête. Une énervante qu'il essaie de faire taire, mais qui revient sans cesse : "Elle va couper les ponts avec toi."
C'est vrai que ça aussi, ça serait son genre. Li ne terminerait pas une relation par téléphone. Elle le ferait de vive voix, avec tact et douceur, mais en sachant ce qu'elle fait. À cette idée, son cœur tape un peu plus fort dans sa poitrine et Billy lance son billet sur la table. Il se lève prestement, récupère son téléphone portable qui est en train de charger sur la table de la cuisine. Il a envie de l'appeler. Juste pour vérifier qu'elle l'attend toujours, qu'elle se souvient de l'heure de son arrivée, juste peut-être aussi pour entendre le son de sa voix.
Il n'a qu'à prétexter une excuse, demander la météo qui l'attend pour savoir s'il amène un pull ou une connerie comme ça.
Ouais, c'est une bonne idée, se convainc-t-il, tout en sachant pourtant à quel point ce n'est pas crédible de sa part. Il sélectionne son nom dans son répertoire, colle son mobile à son oreille. Sa peau est encore mouillée de la douche et la sensation n'est pas très agréable.
Les sonneries retentissent, longuement. Li est une couche-tôt, mais quand même... Il n'est que vingt-et-une heures. Billy attend, en faisant les cent pas dans la cuisine, jusqu'à ce que la voix de la brune ne l'arrête dans son tour de la table.
— Allô ?
Li est essoufflée. Billy fronce des sourcils.
— Ça va ?
— Pas trop le moment de parler.
La voix n'est pas nette, ça grésille dans le téléphone et ce n'est même pas une phrase complète. Étrange. Billy prête l'oreille, on dirait que Li est en train de courir.
— C'était pour demain, tu...
— J'ai un contretemps Billy, je suis désolée, mais ça ne va pas être possible.
Tout est dit très vite, dans un seul souffle. Alors là, ça lui coupe les jambes, à Billy. Il s'immobilise, dans sa cuisine. Attendez... Elle annule ? Et sans le prévenir ? S'il n'avait pas appelé, aurait-elle seulement pensé à l'en informer ?
— Mais c'est prévu depuis longtemps ! Qu'est-ce que tu...
— Je n'ai vraiment pas le temps. Je t'explique plus tard.
Li coupe la communication, juste comme ça. Sa douche se révèle bien inutile, Billy est en train de passer par toutes les émotions, ça lui fait chaud et froid dans le dos en même temps. Il rejoint d'un pas traînant son salon. Sa valise est prête, son billet sur la table et il a envie de tout envoyer valser.
Putain, ça fait des jours qu'il attend ces retrouvailles...
Son regard dérive sur sa commode, à l'entrée. Il sait ce qu'il regarde et il sait très bien quelle mauvaise idée est en train de l'effleurer.
Tant pis. Les gestes sont mécaniques. Billy retourne dans sa chambre, récupère son Eastpak dans son armoire et revient sur ses pas. En quelques secondes, sa valise est ouverte, au milieu du salon, et il fourre au hasard quelques affaires dans son sac à dos. Il se lève, attrape son blouson en cuir, fait passer le Eastpak dans son dos et attrape les clefs de sa moto sur la commode de l'entrée.
Il ira quand même à Aix. En roulant toute la nuit, il devrait arriver au petit matin et, planté devant la porte de la demeure de son paternel, Li sera bien obligée de lui parler.
En claquant la porte, il trouve que tout ça lui ressemble bien plus que ce stupide train qu'il attendait sagement depuis des jours.
Parce que Billy n'est pas raisonnable.
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Même dehors
General Fiction"Même dehors" est un recueil d'OS qui est la suite de la fiction "Apparence". Après être passés dans une TV-réalité très populaire, les candidats sont désormais de retour dans le quotidien. Mais le succès est éphémère, alors comment retrouver une...