Chapitre 14

90 13 4
                                    

- Le week-end prochain, il y a un concours de saut interne prévu au centre. Qui est intéressé ?

Je déglutis tandis que les "moi" fusaient, enthousiastes. Je n'étais dans ce cours que depuis un mois, et je ne me sentais pas prête à enchaîner un parcours de douze obstacles, dans le noir complet qui plus est. Car je n'avais toujours pas recouvré la vue, malgré tous mes efforts.

Je ne comprenais toujours pas comment j'avais pu voir une fois, dans quelles circonstances la magie pouvait opérer. Si je ne l'avais pas juste imaginé.

- Miru ?

- Hein ?

- Tu veux participer ? répéta gentiment la monitrice. A une petite hauteur, bien sûr.

- Euh... Je... J'en sais trop rien. Je pense pas avoir le niveau...(Je déglutis et poursuivis :) Et même avec des années d'entraînement, je ne sais pas si je pourrais un jour faire des concours.

Elle posa une main sur mon épaule et me corrigea d'une voix ferme :

- Écoute-moi attentivement, ma grande. Tu es aveugle, certes. Mais ce n'est pas parce que tu ne vois pas que tu dois t'empêcher de suivre tes rêves. Il existe des cavaliers aveugles qui font de la compétition à haut niveau, tu sais ! Ils ont juste besoin d'un peu plus d'aide que les autres !
De plus...

À cet instant, un chien fit irruption dans la carrière en aboyant à s'en déchirer les cordes vocales. La plupart des chevaux s'emballèrent et bien sûr, Dreamer fut de ceux-là. Il démarra brutalement, bousculant la monitrice. Je fus déséquilibrée et tombai sur le côté, mais je réussis à m'accrocher de justesse à la crinière.

Je pendais dans le vide, mon pied droit coincé dans l'étrier et mes mains aggripant les crins de mon cheval la plus fort possible. Terrorisée par notre vitesse et la hauteur à laquelle je me trouvais, je voulus hurler "Au secours", mais seul un gémissement sortit de ma bouche.

Alors, ne sachant plus que faire, je murmurai le plus distinctement possible, entre deux tremblements :

- Dreamer, je t'en supplie... Arrête !

Au bout d'un moment, le cheval souffla puis ralentit. M'avait-t-il entendue ou était-il simplement calmé ? Peu m'importait.
Lorsque qu'il fut totalement à l'arrêt, je me laisser glisser au sol en pleurant de soulagement.

- Miru...!! MIRU ! Est-ce que ça va ?

-...

Incapable de parler, je hochai simplement la tête, avant qu'une migraine lancinante me fasse regretter ce geste.

Une minute plus tard, le mal disparut et je me redressai en vacillant.
Ma prof m'aida à me remettre sur pieds.

- Je suis vraiment désolée, s'excusa-t-elle. Le chien de ma nièce n'est pas encore dressé... On n'aurait pas dû l'amener avec nous...

- C'est rien, la rassurai-je. Ça arrive à tout le monde de faire preuve d'inattention.

Elle me remit en selle.

- Alors ? Tu participes au concours ou non ? s'enquit-elle.

- Je... Bon, d'accord, soupirai-je. Il faut juste que j'en parle à mes parents.

- Bien sûr, sourit ma monitrice.

Nous remontâmes à la barre d'attache. Elle allait partir lorsque je me souvins de quelque-chose.

- Madame !

- Oui ?

- Avant que le chien n'arrive, vous vouliez ajouter quelque-chose, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que vous alliez dire ?

Ma professeure se figea, hésita longuement, puis répondit :

- Je ne sais plus... Je te le dirai si ça me revient, ok ?

- Ok... marmonnai-je.

- À la semaine prochaine ! lança-t-elle en s'éloignant.

- Ouais !

Je me mis à panser Dreamer, mais lorsque je frottai son antérieur droit, le cheval se décala brusquement en renâclant. Je reculai, surprise : d'habitude, il était immobile comme une statue quand je le brossais.

Hésitante, je passai ma main sur son tendon et rencontrai un liquide chaud et poisseux. Du sang !

Donne Moi Tes YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant