Chapitre 11 - Différents

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À mon réveil, je me sentis affreusement pâteuse et courbaturée. Une odeur de poisson bouilli vint me chatouiller les narines, et je réalisai alors que j'étais véritablement affamée. Je me levai péniblement et sortis de la tente d'un pas hésitant, complètement vidée de mon énergie.

Jod et Drake étaient assis autour de leur repas et mangeaient en silence. Je voyais à l'expression maussade de Drake qu'il n'était pas franchement ravi d'être ici, à partager ce moment avec l'étrange vieillard. Je lui trouvai encore l'air épuisé, le teint toujours très pâle et les traits tirés. Ses yeux étaient soulignés de cernes profonds, lui donnant un air plus âgé. Lorsqu'il me vit arriver, il parut soudain extrêmement embarrassé, à tel point qu'il manqua de faire tomber son bol rempli d'une espèce de soupe de poisson à l'apparence un peu douteuse, mais qui devait être particulièrement délicieuse en comparaisondes morceaux de larves que nous ingérions auparavant. Jod, quant-à-lui, se leva et m'adressa un large sourire.

— Tu as dormi longtemps, Petite Sœur de Lumière. Très longtemps. Mais tu en avais grand besoin, oh oui... grand besoin !

Il me fit signe de m'asseoir à la place qu'il occupait quelques instants auparavant.

— Viens ! Viens ! Sers-toi ! s'exclama t-il joyeusement. Il reste encore de ma bonne soupe de poisson ! Je vais aller pêcher pour notre prochain repas mais, avant cela, je dois parler avec mes amis.

— Vos... amis ? l'interrogeai-je avec étonnement. Mais... Je pensais que vous étiez seul, ici...

— Mes amis ne vivent pas avec moi, répondit Jod. Ils sont différents. Ils ne parlent jamais. Mais, moi, je peux leur parler et, eux, ils peuvent m'entendre ! Ils m'aiment bien, car je les protège des méchants hommes.

— Ce vieux cinglé pense que les Errants comprennent ce qu'il leur raconte, commenta Drake en prenant un air agacé, alors qu'ils ont le cerveau complètement ramolli. C'est juste des corps qui bougent, mais ils sont déjà morts. C'est inutile d'essayer de les aider. C'est trop tard. On ne peut plus rien pour eux.

— C'est sûr que c'est bien plus logique de les tuer pour les manger, répliquai-je d'un ton cinglant.

— Ils sont mortss'énerva Drake en appuyant bien sur le dernier mot, comme s'il devait expliquer quelque chose à une enfant de quatre ans. Ils n'ont plus de conscience ! Alors, qu'est-ce que ça peut faire, si d'autres gens se servent de leur chair pour survivre ?

— Vous dites des horreurs que vous ne pensez même pas, puisque vous m'avez assuré ne pas être un cannibale, contrairement à vos copains dégénérés ! objectai-je en le fusillant du regard. À moins que vous m'ayez menti, ce qui ne m'étonnerait guère de vous !

— Non, je ne t'ai pas menti ! Je ne peux pas manger de chair humaine, personnellement, ça me dégoûte... – il appuya son propos par une grimace écœurée – mais je ne m'oppose pas non plus à ce que d'autres gens le fasse, si ça peut les aider à tenir le coup. Tout le monde ne digère pas aussi bien que nous les larves de ver, Madame Je-Sais-Tout ! Ce type d'alimentation rend certains d'entre nous très malades et, ça, Bo n'en a jamais rien eu à cirer !

— Vous essayez de vous justifier, mais vous n'êtes qu'un lâche ! m'offusquai-je, dégoûtée par sa façon de penser. Vous faites semblant d'être cannibale dans l'unique but de vous faire respecter par vos larbins mais, en réalité, vous n'assumez rien ! Vous croyez vraiment qu'ils vous admireront autant, lorsqu'ils apprendront que vous leur mentez depuis le début ? Peut-être même commencent-ils déjà à douter de vous, puisque vous n'êtes plus à leurs côtés... D'ailleurs, Drake, pourquoi n'allez vous pas les rejoindre, maintenant que vous êtes à peu près rétabli ? C'est bizarre, j'étais pourtant persuadée que, dès que vous auriez retrouvé un semblant de vivacité, vous vous empresseriez de les retrouver et de leur révéler l'existence de cet endroit...

Ash Donovan et les Porteurs de Lumière - Tome 1 - Les Rampants et les ErrantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant