Chapitre 3 - L'Inspection

310 30 16
                                    


Je m'aperçus bien vite, à mes dépends, que me remettre au travail aussi tôt après mon hospitalisation au Centre de Soins n'était pas une si brillante idée. Je devais faire de nombreuses pauses, laissant Joey abattre la besogne pour deux, de violentes migraines m'immobilisant – et ce malgré la prise régulière d'antidouleurs – dès que j'essayais d'accélérer un peu la cadence. Cela me déprimait d'être une coéquipière aussi inutile pour Joey, et je me sentais gênée de le voir mettre les bouchées doubles pendant que j'étais contrainte de me reposer. J'avais peur qu'il se fatigue et que, par ma faute, il ne finisse par avoir lui aussi un souci de santé. Inquiète et morose, je n'étais pas la partenaire de travail idéale pour mon ami qui, même s'il s'efforçait de ne pas le montrer, commençait visiblement à être agacé par ma constante mauvaise humeur.

Je ne pouvais pas lui en vouloir. À vrai dire, j'avais moi-même du mal à me supporter. Nous convînmes donc que, compte tenu de ma baisse de forme, il valait mieux que Joey se charge de ramasser les cristaux tandis que, de mon côté, je n'aurai qu'à les acheminer vers l'espace de stockage et à les trier. Cela me permettrait de garder en même temps un œil sur Max, au cas où ce rustre aurait à nouveau l'idée de nous voler le fruit de notre dur labeur. Je ne le voyais plus beaucoup, cependant et, les rares fois où nous nous croisions, je constatai qu'il cherchait plutôt à m'éviter. Je lui trouvais l'air aussi maussade que moi, ce qui m'apporta un mince réconfort. Au moins, tenter de me fracasser le crâne ne l'avait pas rendu plus populaire au sein de notre communauté. J'avais l'impression qu'au contraire, il avait été peu à peu rejeté par son propre clan, qui semblait avoir choisi un autre garçon – un grand brun plutôt séduisant mais tout à fait détestable – comme nouveau leader. Se faire coller la raclée du siècle devant tout le monde par Joey le Microbe ne lui permettait plus, désormais, d'appliquer la loi du plus fort et de nous tyranniser. Maxi-Problèmes, le roi du réfectoire, avait finalement perdu sa couronne. Sans doute parce qu'il devait manger en plus petite quantité ces derniers temps, je lui trouvais l'air pâle et fatigué, un peu maladif. Ses traits étaient tirés et son regard éteint, comme s'il n'était plus aussi robuste qu'auparavant.

Un jour, alors que nous devions supporter l'un et l'autre notre présence pour trier notre provision de Trik, je me surpris à m'inquiéter pour son état de santé.

— Ça va, Max ? lui demandai-je alors qu'il déposait quelques maigres fragments de Tri-quartz dans l'un des grands bacs de tri.

Il tourna vivement la tête pour me dévisager, comme s'il cherchait à s'assurer que c'était bien à lui que je m'étais adressée.

— Ça peut aller..., me répondit-il dans un grognement, avant de se recentrer sur son travail.

Il s'interrompit rapidement, constatant que je l'observais toujours.

— Qu'est ce que tu me veux, Miss Coincée ? s'énerva t-il brusquement. Ça ne t'as pas suffit, tout ce qu'on a pu te raconter sur moi ? Tu veux connaître tous les détails de mon humiliation, c'est ça ?

— Non, fis-je sans me laisser déstabiliser par son ton hargneux. Non, ça ne m'intéresse pas, Max. Je me faisais juste du souci pour toi mais, visiblement, ce n'était pas la peine que je me préoccupe de ta si charmante personne, vu la manière particulièrement désagréable avec laquelle tu viens de me parler.

Fronçant les sourcils, je m'empressai de ranger mes affaires pour rejoindre Joey dans la galerie H.

— Attends, Donovan...,m'appela la voix un peu rauque de Maxi-Problèmes alors que je m'éloignais d'un pas pressé. Est-ce que... Est-ce que tu aurais un ticket-repas à m'avancer ?

Je me retournai vivement pour le regarder avec stupéfaction.

— Ça alors..., répondis-je, estomaquée par son audace. Tu ne manques pas d'air, Maximus Winterfall ! Tu essaies de me fracasser le crâne, tu me parles comme à un chien, tu t'octroies ma paie et celle de mon coéquipier sans états d'âme et, après ça, tu crois vraiment pouvoir m'extorquer un de mes tickets ? Tu sais quoi, Max ? Tu peux toujours crever !

Ash Donovan et les Porteurs de Lumière - Tome 1 - Les Rampants et les ErrantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant