Ash Donovan et les Porteurs de Lumière - Tome 1 - Les Rampants et les Errants

Chapitre 14 - La Milice Suprême

Guidés par les indications de Jod, nous bifurquâmes plusieurs fois de gauche à droite, puis de droite à gauche, à travers l'obscurité, jusqu'à ce que nous atteignîmes enfin notre but. Nous avions finalement débouché sur un dénivellement rocheux, surplombant un vaste espace dégagé, comme une immense chambre souterraine. L'endroit était lugubre, mal éclairé par la lumière artificielle provenant des vieilles lampes qui avaient été jadis installées pour les ouvriers. Les ruines éparses, faites de métal et de pierre brute, de ce qui ressemblait à un ancien centre de stockage, s'alignaient tristement devant nous, formant un sinistre dédale de décombres. En contrebas, aussi sombre et béant que la bouche d'un ver des galeries, se trouvait le fameux Cratère.

Rex n'avait donc pas menti.

Une terrible explosion avait dû avoir eu lieu autrefois à cet endroit, car tout semblait ravagé. Laroche était noircie, comme calcinée. Ma gorge se serra, en songeant au nombre d'ouvriers qui avaient du mourir ici, pulvérisés par cette violente déflagration.

Un poste de surveillance fait de bric et de broc surplombait l'énorme trou, ainsi que le mécanisme complexe des câbles, poulies et poutres rouillée, qui permettait de faire fonctionner la fameuse nacelle. Celle-ci brinquebalait dans le vide de manière peu rassurante, avec des grincements et des cliquetis menaçants.

— C'est ça, son invention géniale ? marmonnai-je sans le moindre enthousiasme. Franchement, je m'attendais à mieux, de la part de mon cher ami Rexie.

Bo gloussa.

— Oh, tu sais, Rex est une brute, et les brutes ne font pas de jolies choses... Il est intelligent, certes, mais c'est une brute quand même. Il a donc misé sur le côté pratique, pas sur l'esthétisme.

— Il a peut-être fait les plans, donné des ordres, mais ce sont sûrement ses larbins cannibales qui ont fait tout le boulot, supposai-je alors. Même sous l'identité de Drake, je l'imagine mal œuvrer à ce genre de chose. Il préfère sûrement travailler sa musculature...

Je gonflai ridiculement mes frêles biceps de Rampante pour illustrer mes propos, provoquant immédiatement l'hilarité de mes camarades. Même Lexie s'était enfin déridée et riait à présent de bon cœur.

— Très amusant, 4667-F2-00,fit une voix glaciale dans notre dos. Vraiment très drôle.

Rex se tenait juste derrière nous, l'air plus dangereux que jamais.

Derrière lui s'alignaient une bonne vingtaine de soldats de la Milice Suprême, le corps d'élite de la HAAS, des hommes et des femmes surentraînés et armés jusqu'aux dents. Je savais qu'il s'agissait de cette unité si redoutable car ils étaient encore plus effrayants que nos Miliciens habituels, le visage à découvert sous leurs épais casques, les yeux masqués par de grosses lunettes de protection d'un noir opaque.

En les observant, je sus ce que représentait le tatouage de Rex. Il s'étalait, rouge comme le sang, sur la poitrine de chaque soldat et sur l'uniforme sombre de leur Commandant. Je ne l'avais jamais remarqué parce que, d'habitude, ce dernier portait une armure de protection par-dessus. C'était le symbole de ce terrible bras armé de la HAAS, composé uniquement d'EGR Répertoriés.

Dans un mouvement simultané, nous nous étions tous retournés pour le dévisager avec stupéfaction.

— Rex ? m'affolai-je, soudain tétanisée. Comment est-ce que...

— Tu ne croyais tout de même pas que j'étais un minable pleurnichard comme ton père, ricana t-il, une lueur malveillante s'illuminant au fond de son œil humain tandis que le pointeur rouge de l'œil robotique me fixait de manière peu rassurante. C'est si facile de vous manipuler, vous autres, les Inférieurs. Même ce vieux fou de Jod n'y a vu que du feu, en sondant ma conscience. Il n'a pas réalisé une seule seconde à qui il avait affaire... Je suis un être supérieur. Mettre une barrièrementale et vous tromper avec de faux souvenirs, de fausses émotions, est pour moi un vrai jeu d'enfant.