« A l'époque, c'était tout beau, tout rose, on jouait au tamagotchi, maintenant c'est tout moche, tout gris, on s'tue au tabac goût shit. »
« J'entends des halètements... Qui ressemblent plus à des gémissements. J'entends des rires aussi, des insultes. L'image se fait de plus en plus nette. Une gamine qui s'fait péta par un groupe. Elle grimace et se protège la tête, recroquevillée sur elle-même, les habits salis par la poussière du sol. A chaque coup, son petit corps bouge, on a l'impression qu'il pourrait se briser, mais il ne se brise pas, il reste intact, se préparant au coup suivant.
Faut que j'l'aide ! J'peux pas la laisser comme ça ! J'essaie de bouger, de faire quelque chose mais je n'y arrive pas, mes membres sont paralysés, comme si j'étais extérieure à la scène.
Elle ferme les yeux fort, son visage est crispé, mais elle ne crie pas. Les personnes autour continuent leur bordel, sans bouger un petit doigt.
Wesh on frappe pas une gamine à plusieurs ! Ils ont pas d'honneur ou quoi ?! J'me débats tant que je peux, hurle, mais ils ne m'écoutent pas, ou ne m'entendent pas.
Soudain, la petite fille lève la tête, comme si son oreille avait perçu mes cris. Son image me laisse sans voix. La petite fille, c'est moi...
_ MAAAAAARYÂAAAAAAAM !
J'reprends possession d'mon corps. J'm'étire. Zebi comment j'ai mal dormi ! Frère on dirait j'suis dans l'coma. J'palpe mon lit, en espérant trouver des chaussettes dans c'bazar.
_ MARYÂMEEEUH !
_ 'Tain... QUOI ?
_ Lève-toi tu dois aller travailler.
_ Hein ? Ouais merci j'suis au courant.
J'me sape, sponsorisée par les marques que portent les rats, ou du moins ceux qui veulent leur ressembler. Petit tour dans la salle de bain pour passer un coup d'eau froide sur ma gueule.
J'lève la tête, j'me vois, le visage ruisselant de gouttes. Des sourcils fournis et noirs, taillés naturellement en arc, qui donnent un air sévère constant, des pommettes hautes et visibles, des yeux en amandes entourés de longs cils noirs, un nez long, fin et retroussé.
Bref une gueule d'arabe quoi. J'essaie de faire un truc avec mes ch3als et puis nique j'laisse tomber.
J'prends mes clés, ma sacoche, mon shlass -bah quoi ? J'suis mon propre garde du corps moi.- mon bigo et tout l'zbel* qui s'ensuit.
Yemma sirote son café, l'œil attentif à c'que j'fais. Elle passe sa langue sur ses lèvres, puis les pince.
_ Oh mais attend... T'es bien allée payée le loyer mardi ?
Oulala ça sent mauvais.
_ Euh nan pas enc...
_ QUOOOOI ??? ESPECE DE P'TITE CONNE ILS ARRÊTENT PAS D'ENVOYER DES LETTRES D'AVERTISSEMENT ! T'PAYES PAS L'LOYER MAIS T'AS ASSEZ POUR T'PAYER TES CHAUSSURES DE MARQUE HEIN ! LA PUTAIN D'TOI ON EST DANS LA MERDE ! TU SERS VRAIMENT A RIEN, TU [...]
J'ai pas envie d'me mettre à crier contre elle, donc j'me barre. Ces cris m'insupportent, c'est ouf. J'me dirige vers le parking à l'emplacement où normalement se trouve ma caisse. Une 206 toute bousillée, c'est une voiture de remplacement, style quand la tienne est en réparation wela heja* comme ça, c'est elle que tu prends. J'me suis toujours demandée comment ils -les gars du quartier- l'ont eu, mais bon pas b'soin d'chercher bien loin hein.
J'démarre, en priant que c'te merde me lâchera pas sur la route.
Une fois arrivée, j'vais dans l'vestiaire, histoire de m'changer. T'sais, shrab le tee-shirt, tablier, squette-ca et tout.
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Maryâm - « Bent Hram »
General Fiction« A l'encre de mes silences. Tout est crypté, sous clé, placé sous somnolence, Je ne laisse transparaître que ce qui m'est autorisé. Si ma tête est l'unique endroit où il ne peut pas s'infiltrer, alors laissez-moi me terrer Sous l'abîme de mes sec...